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ver, au milieu des rochers, un point que les navires pussent accoster assez facilement pendant toute la durée de la construction. M. Léonce Reynaud jeta ses vues sur une pointe de rochers située dans une échancrure du bord sud du plateau, et assez bien abritée contre les vents du large. Une plateforme voisine, d’une étendue suffisante, mais malheureusement recouverte de 4m,50 d’eau à la haute mer, fut désignée pour supporter l’édifice. Après mûr examen, il avait été reconnu que cet emplacement correspondait au minimum de dépenses.

L’île de Bréhat, distante du rocher d’environ 10 kilomètres, fut choisie comme lieu d’embarquement. C’est là qu’on prépara les matériaux, et que furent taillées toutes les pierres de l’édifice. Des bâtiments du port de quarante tonneaux partaient de l’île, de façon à aborder le rocher avant la basse mer. Une grue, solidement fixée au point de débarquement, élevait les pierres de la cale du bâtiment, et les déposait sur un chemin de fer, qui les conduisait auprès d’autres machines. Grâce à la multiplicité des engins mécaniques, qui devinrent plus nombreux à mesure que les travaux avançaient, la mise en place des matériaux s’effectua très-rapidement.

La partie la plus importante et la plus difficile de l’entreprise, résidait dans la construction du massif plein de la base, sans cesse exposé aux coups de mer. De là dépendait la solidité du monument tout entier. Afin que le pied de la tour ne pût jamais être déchaussé, on l’enfonça jusqu’à une profondeur de 40 ou 50 centimètres, dans la masse du rocher. Une rainure de 11m,70 de diamètre fut pratiquée dans le porphyre, — opération très-longue à cause de la dureté de cette matière, — et c’est là, à l’abri d’un mur continu et inébranlable de porphyre, que furent déposées les premières assises de la construction.

Ordinairement, lorsqu’il s’agit d’élever des phares en pleine mer, on s’attache à rendre toutes les pierres solidaires, afin qu’elles ne soient entraînées par la mer, ni pendant ni après l’exécution des travaux. Dans les phares d’Eddystone, en Angleterre, et de Bell-Rock, en Écosse, toutes les pierres de la partie submergée sont, comme nous le verrons plus loin, enchevêtrées les unes dans les autres, et maintenues par des goujons en fer ou en bois : de là un surcroît de dépenses considérable. M. Reynaud crut pouvoir l’éviter en se bornant à arrêter solidement par quelques points, la quantité de maçonnerie susceptible d’être mise en place dans le cours d’une marée. L’expérience justifia parfaitement ses prévisions, et le résultat de cette nouvelle méthode fut un travail à la fois plus économique et plus rapide.

Les ouvriers, au nombre de soixante environ, devaient naturellement être logés sur le rocher ; mais la place manquait. Il fallut donc créer une surface artificielle. À cet effet, on construisit, entre deux aiguilles très-élancées, élevées de 6 mètres au-dessus du niveau des hautes mers, un massif, composé de pierres sèches et de gros blocs maçonnés en ciment. Sur la plate-forme de ce massif, située à 4 mètres au-dessus du niveau des hautes mers et d’une superficie de 9 mètres carrés environ, on établit une construction en charpente, qui renfermait une petite forge, des magasins et des chambres pour l’ingénieur, le conducteur des travaux et les ouvriers. Au sommet, se dressait une tourelle qui reçut un appareil d’éclairage provisoire.

Bien que chaque homme n’eût à sa disposition qu’un emplacement très-restreint (0m,67 sur 2 mètres), la santé des ouvriers resta toujours bonne ; ce qu’il faut attribuer aux excellentes mesures sanitaires prises par l’ingénieur. Dès que la mer découvrait le rocher, les travailleurs se rendaient à l’ouvrage ; ils regagnaient leur asile quand la cloche d’alarme annonçait le retour du flot.

Le phare de Bréhat (fig. 298) se compose de deux parties : la première, mesure 13m,70