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faire tourner sur son axe tout ce système, avec la régularité nécessaire pour produire les éclipses des feux côtiers.

C’est d’après toutes ces considérations que Fresnel eut l’idée d’appliquer à l’illumination des phares un système particulier de lentilles, dont l’invention est due à Buffon, mais qui avaient été considérées jusqu’alors comme un simple objet de curiosité. Nous voulons parler des lentilles à échelons.

Faut-il croire que Fresnel ne connaissait point la description que Buffon a donnée de cet appareil optique, et que le physicien français du xixe siècle a réellement inventé une seconde fois, après Buffon, les lentilles à échelons ? Oui, car Fresnel le dit expressément dans son Mémoire sur un nouveau système d’éclairage des phares, publié en 1822, et ce serait lui faire injure que de douter de sa parole.

Au reste, Fresnel ne tirait aucune vanité de sa découverte. L’idée des lentilles à échelons était, selon lui, très-simple, et elle devait se présenter naturellement à quiconque, s’occupant d’optique, voulait obtenir de puissants effets calorifiques ou lumineux.

Quel est le principe physique qui a présidé à la construction des lentilles à échelons ? Ce principe, c’est que la position du foyer d’une lentille biconvexe dépend, non de l’épaisseur du verre, mais du degré de sa courbure. Si donc, dans une lentille de dimensions données, on parvient à diminuer cette épaisseur, sans modifier la courbure, la distance focale ne variera pas, et l’effet de la lentille restera le même.

Voici le moyen qu’imagina Buffon pour arriver à ce résultat.

Entaillons profondément un espace circulaire autour du centre d’une lentille biconvexe ou plan-convexe, en d’autres termes, enlevons une partie du verre à sa surface, parallèlement à elle-même, de façon à créer une dépression, a (fig. 275), au centre de la lentille : la courbure étant toujours la même, le foyer B n’aura point bougé. Répétons la même opération sur des espaces de plus en plus grands en nous approchant des bords de la lentille, le foyer restera toujours fixe ; seulement la masse du verre aura beaucoup diminué.

Fig. 275. — Profil d’une lentille à échelons.

Nous obtiendrons ainsi une série de calottes de verre, b, c, d, dont la figure 275 représente la coupe verticale. Nous aurons transformé une lourde lentille en une autre beaucoup plus légère, produisant absolument le même effet, et qui ne se composera que d’une partie centrale, entourée d’une série d’anneaux concentriques, échelonnés les uns au-dessus des autres.

Voilà ce qu’avait imaginé Buffon, pour augmenter la puissance calorifique des lentilles ; car il ne songeait, en les entaillant d’une manière systématique, qu’à les employer comme verres ardents, c’est-à-dire pour fondre et volatiliser à leur foyer, B, certains corps peu fusibles.

Buffon construisait ce genre de lentilles avec une seule masse de verre convenablement entaillée. Mais la fabrication d’une lentille à échelons, ainsi comprise, était tellement difficile, avec les moyens dont l’industrie disposait au xviiie siècle, que Buffon n’avait pu encore en faire exécuter une seule, vingt-