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bre siégeriez-vous, si, par hasard, vous deveniez député ?

— Monseigneur, répondit Fresnel, à la place de Camille Jordan, si j’en étais digne.

— Grand merci de votre franchise, répliqua le ministre. »

Et au sortir de l’audience, l’intelligent ministre signa la nomination d’un inconnu au poste que Fresnel ambitionnait[1].

Forcé de s’en tenir à ses anciennes fonctions, Fresnel reprit son fatigant métier d’examinateur à l’École polytechnique, et bientôt on reconnut que par l’excès de ses fatigues sa santé était altérée sans retour. À la suite des examens de 1824, il fut forcé de prendre sa retraite, et de se condamner à une inaction presque absolue. Le mal empirant de jour en jour, son médecin lui conseilla, comme dernière ressource, d’aller habiter la campagne. Au mois de juin 1827, il se transporta à Ville-d’Avray, plutôt pour céder aux sollicitations de sa famille que dans l’espoir de guérir.

Huit jours avant le terme fatal, il reçut la visite de François Arago, qui était chargé par la Société royale de Londres de lui remettre la médaille de Rumford :

« Je vous remercie, lui dit Fresnel, d’avoir accepté cette mission. Je devine combien elle a dû vous coûter, car vous avez compris que la plus belle couronne est peu de chose, quand il faut la déposer sur la tombe d’un ami. »

Ainsi finit, à l’âge de trente-neuf ans, un savant qui aura des droits éternels à la reconnaissance des nations, car le système d’éclairage qu’il a introduit dans les phares, arrache chaque année des centaines, et peut-être des milliers de créatures humaines, à la plus affreuse mort.

Fig. 274. — Augustin Fresnel.

Le moment est venu d’examiner le système de Fresnel pour l’éclairage des phares et les expériences qui en ont amené la réalisation pratique.

Arago et Fresnel portèrent d’abord leur attention sur la source lumineuse. Rumford avait essayé d’augmenter la puissance de la lampe d’Argand en y adaptant un bec à plusieurs mèches concentriques. Mais les résultats avaient mal répondu à son attente, par suite de la difficulté de régler ces flammes multiples, et de s’opposer à la rapide carbonisation des mèches ainsi rapprochées les unes des autres. Arago et Fresnel reprirent l’idée de Rumford, et ils parvinrent à la rendre pratique, grâce à l’emploi de la lampe Carcel, alors nouvellement inventée, qui permet d’abreuver la mèche d’une quantité d’huile surabondante, ce qui prévient sa carbonisation. Avec la lampe d’horlogerie de Carcel, le bec, constamment recouvert d’huile, n’est plus en contact avec la flamme, qui se localise à l’extrémité supérieure de la mèche. Dès lors on peut rapprocher, rassembler plusieurs mèches concentriques, et ajou-

  1. Arago, Notices biographiques, Fresnel, t. Ier, p. 182.