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écarter considérablement de notre sujet. Force nous est donc de garder le silence sur la part qui revient à Augustin Fresnel dans l’ensemble des faits et des théories qui constituent les diverses branches de l’optique nouvelle.

Ce que nous pouvons dire, toutefois, c’est que les découvertes de Fresnel ont eu pour résultat de mettre fin à une controverse qui depuis longtemps séparait les physiciens en deux camps. Des deux hypothèses imaginées pour expliquer le mode de propagation de la lumière, celle de l’émission, soutenue par Newton, et celle des ondulations, défendue par Descartes, Huyghens, Euler, Thomas Young, Malus, etc., la dernière a été reconnue la seule admissible, depuis les travaux de Fresnel. La valeur des théories se mesure à la quantité de faits dont elles rendent compte, et celle-là doit être préférée qui en explique un plus grand nombre. Or, les phénomènes de la diffraction et des interférences, par exemple, incompréhensibles dans le système de l’émission, s’expliquent très-bien par la théorie des ondulations. Voilà pourquoi cette dernière a prévalu de nos jours, malgré l’appui que lui prêtait l’autorité de Newton.

Les travaux que nous venons d’énumérer, publiés coup sur coup, et avec une fougue qui tenait un peu de la fièvre, avaient placé Fresnel au rang des premiers physiciens de son temps. Sa renommée s’augmenta encore des belles expériences qu’il fit sur l’éclairage maritime, expériences qui remontent, comme nous l’avons dit, à l’année 1823. Aussi, dès 1823, l’Académie des sciences l’admit-elle dans son sein, à l’unanimité des suffrages : il avait alors trente-cinq ans.

Peu de temps après, la Société royale de Londres lui décernait le titre de membre associé.

Le bonheur de Fresnel eût été complet, s’il ne se fût trouvé contraint, pour subvenir à l’achat d’appareils très-coûteux, de se livrer à des occupations fatigantes, qui compromettaient sa santé. Telles étaient, par exemple, les fonctions qu’il exerçait comme examinateur d’entrée à l’École polytechnique. Cet emploi, mal rétribué d’ailleurs, le fatiguait tellement que ses amis conçurent des inquiétudes pour sa vie.

Sur ces entrefaites, la place d’examinateur des élèves de l’École navale, qui était alors l’une des plus enviées dans l’ordre scientifique, devint vacante. Fresnel se porta candidat. Son mérite, aussi bien que de chaudes recommandations, semblaient assurer sa nomination ; mais il échoua, par suite de passions politiques et de mesquines considérations de parti. Lui qui avait perdu sa place d’ingénieur des ponts et chaussées, par son attachement à la famille des Bourbons, ne fut pas jugé assez ami de cette même dynastie, pour obtenir le poste d’examinateur à l’École navale ! Il est vraiment déplorable de voir constamment, dans notre pays, d’inutiles et éphémères questions politiques venir se mêler à l’existence des savants et gêner l’évolution naturelle de leurs idées. Cet épisode de la vie de Fresnel est, d’ailleurs, trop singulier, et en même temps trop triste, pour que nous le passions sous silence.

Avant d’accorder à Fresnel la place qu’il sollicitait, le ministre, de qui dépendait l’emploi vacant, voulut connaître le futur titulaire, et causer avec lui. Dans l’audience qu’il lui accorda, le ministre posa cette question à Fresnel, en l’avertissant qu’il serait, selon sa réponse, agréé ou évincé :

« Monsieur Fresnel, êtes-vous véritablement des nôtres ?

— Si je vous ai bien compris, Monseigneur, répondit le physicien, je vous dirai qu’il n’existe personne qui soit plus dévoué que moi à l’auguste famille de nos rois et aux sages institutions dont la France leur est redevable.

— Tout cela est vague, Monsieur ; nous nous entendrons mieux avec des noms propres. À côté de quels membres de la Cham-