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même, et il osa s’avouer tout bas qu’il n’était point sans quelque mérite.

De l’École polytechnique, Fresnel passa à l’École des ponts et chaussées. Au sortir de cette école d’application, il fut envoyé, avec le titre d’ingénieur ordinaire, dans le département de la Vendée, puis dans les départements de la Drôme et d’Ille-et-Villaine.

Les travaux insignifiants qu’il avait à diriger dans ces diverses résidences, ne pouvaient promettre à son avenir de vastes horizons. Plus d’une fois Fresnel dut souffrir d’être condamné à un travail vulgaire, lui qui se sentait capable de reculer, par ses méditations, les bornes du savoir humain. Cependant il s’acquitta toujours de ses devoirs avec une entière conscience. Ayant accepté le poste d’ingénieur de département, il comprenait qu’il devait en remplir les obligations, quel que fut son désir de s’en affranchir et de s’élancer dans les régions élevées de la science.

Un événement politique inattendu, — le retour de Napoléon de l’île d’Elbe, — vint changer le cours de la destinée de Fresnel. Notre jeune savant était partisan du régime des Bourbons : il croyait y voir la satisfaction des légitimes désirs de la France. Le débarquement de l’Empereur à Cannes indigna son cœur royaliste. Il se trouvait alors dans le département de la Drôme, non loin, par conséquent, du théâtre de cet événement si extraordinaire et si brillant de notre histoire nationale. Il partit aussitôt, pour se joindre à la petite armée royaliste envoyée contre le souverain découronné qui venait réclamer un trône. Fresnel eût mieux fait assurément de se tenir tranquille à son poste d’ingénieur.

On sait ce qui arriva.

Après la marche triomphale de l’Empereur au milieu des populations enthousiasmées, et sa rentrée solennelle dans la capitale de la France, notre pauvre ingénieur, si malheureusement fourvoyé au milieu d’une armée déjà en déroute sans avoir livré bataille, était fort empêché de sa personne. Il revint à Nyons, faible, malade, exténué, et qui plus est, en butte aux outrages des vainqueurs.

Son incartade devait lui coûter plus cher encore, car il ne tarda pas à être destitué, et même à être placé sous la surveillance de la police.

Dans cette situation déplorable, Augustin Fresnel demanda et obtint la permission de se rendre à Paris, pour s’y livrer à des études de science.

Sur ces entrefaites, la seconde restauration bourbonienne arriva. Fresnel aurait pu être réintégré au corps des ingénieurs de l’État. Mais il préféra se fixer à Paris. Il prit ses dispositions pour passer dans la capitale de la France le reste de ses jours, occupé, tout entier, à des travaux scientifiques.

La suite de la vie d’Augustin Fresnel n’est remplie que de ses découvertes et de ses travaux dans la physique expérimentale et mathématique.

Presque toutes ses recherches sont relatives à l’optique, théorique ou appliquée. Son premier mémoire date de 1814 : il roule sur le phénomène connu en astronomie sous le nom d’aberration annuelle des étoiles. Fresnel donnait une explication différente de celle généralement adoptée ; mais elle se trouva presque identique à celles de Bradley et de Clairaut, qui lui étaient totalement inconnues. Cette coïncidence le rendit circonspect pour toute la suite de sa carrière. Depuis ce moment, de peur d’être accusé de plagiat, il ne publia rien sans s’être préalablement assuré que telle solution de son cru n’avait pas encore été indiquée.

À partir de 1815, les mémoires de Fresnel sur l’optique, se succèdent avec une rapidité extraordinaire. Ils concernent les phénomènes de la double réfraction, de la diffraction, des interférences et de la polarisation de la lumière. Ce sont là des questions de physique très-délicates, et qui, pour être bien comprises, demanderaient à être traitées avec détail. Nous ne pourrions le faire sans nous