Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 4.djvu/431

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lais : on a donc le droit d’affirmer qu’il est le véritable inventeur de ce système.

Teulère changea la courbure des réflecteurs. Au lieu de la forme sphérique, il leur donna la forme parabolique. La lampe étant placée au foyer du miroir, tous les rayons lumineux étaient réfléchis parallèlement à l’axe de ce miroir. Le cylindre de lumière ainsi formé, était dirigé vers tous les points de l’horizon, au moyen de rouages d’horlogerie, qui imprimaient à l’appareil un mouvement de rotation continu.

Ainsi furent créés par l’ingénieur de Bordeaux, les phares à éclipses.

Pour augmenter, quand on le voulait, l’étendue de la zone éclairée, Teulère plaça à côté les uns des autres, et sur une même ligne droite, plusieurs lampes munies de leurs réflecteurs paraboliques. Le faisceau éclairant prit ainsi des proportions assez grandes pour qu’une surface très-étendue de l’horizon fût illuminée.

On a attribué au physicien Borda l’invention de ce système, et cette opinion est exprimée dans beaucoup d’ouvrages. Quelques mots suffiront pour montrer que Borda, physicien d’ailleurs recommandable à bien des titres, n’eut d’autre mérite que d’exécuter ce que Teulère avait inventé.

En 1784, le maréchal de Broglie, ministre de la marine, communiqua le travail de Teulère à Borda, alors professeur à l’école navale, en le chargeant d’appliquer les excellentes idées qui s’y trouvaient exposées. Ce ne fut pas à Cordouan que fut tentée la première expérience des réflecteurs paraboliques et des phares à éclipses. Il était question, en ce moment, d’exhausser la tour, et l’on voulut attendre que cette opération fût achevée pour installer au sommet du phare le nouveau système d’éclairage, après l’avoir expérimenté sur un autre point de la côte.

Ce fut dans le port de Dieppe, que Borda plaça le premier appareil à miroirs paraboliques et à éclipses, construit d’après les vues de Teulère. L’appareil était composé de cinq lampes à réflecteurs paraboliques, et tournant autour de l’axe du support. Les résultats de cet essai furent de tous points concluants.

Quelques années plus tard, c’est-à-dire en 1790, la tour de Cordouan ayant été exhaussée par Teulère, — qui s’illustra encore dans ce travail difficile, — on établit au sommet de la tour surélevée, un appareil d’éclairage à réflecteurs paraboliques.

Cet appareil comprenait trois groupes réfléchissants, composés de quatre miroirs chacun, et espacés de 120 degrés, de manière à partager la circonférence en trois parties égales. Le tout recevait un mouvement de rotation par l’effet d’un ressort et de rouages d’horlogerie. Les réflecteurs avaient 812 millimètres d’ouverture (30 pouces en mesures du temps). Les éclats lumineux se succédaient de deux en deux minutes, avec une durée de dix secondes.

Si l’on ne peut accorder à Borda l’invention des miroirs paraboliques, malgré l’opinion émise par Arago, dans sa Notice sur les Phares[1], et qui a été reproduite ensuite sans autre examen, par la plupart des auteurs, on ne peut, du moins, refuser au même Borda l’idée d’avoir appliqué à l’éclairage des phares, la lampe à double courant d’air, inventée par Argand, en 1784. Disons, toutefois, qu’après la découverte d’Argand, qui avait révolutionné l’art de l’éclairage en général, cette idée se présentait pour ainsi dire d’elle-même. Il est donc heureux pour Borda, que des travaux plus sérieux en physique et en mécanique, assurent à son nom une gloire non contestable.

Le système d’éclairage au moyen des réflecteurs paraboliques, constituait un progrès considérable dans la science des feux côtiers. Aussi presque tous les peuples maritimes se hâtèrent-ils de l’adopter. L’Angleterre et les autres nations du nord de l’Europe, sont même restées exclusivement fidèles aux ré-

  1. Notices scientifiques. Tome III, page 4.