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On sait que les anciens plaçaient la tour d’Alexandrie parmi les sept merveilles du monde. Elle devait sa célébrité autant à ses dimensions colossales qu’à sa remarquable solidité. D’après Strabon, elle se composait de plusieurs étages. Pline raconte que sa construction coûta huit cents talents. Selon Lucien, elle était de forme carrée, ou polygonale, et de son sommet l’œil pouvait découvrir une étendue de trente lieues en mer.

Edrisi, auteur arabe du xiie siècle, a décrit ce monument, qui était encore debout de son temps. Il nous apprend que toutes les pierres étaient scellées les unes aux autres par du plomb fondu, de sorte que les vagues ne pouvaient rien contre l’ensemble de la construction. L’édifice mesurait, dit Edrisi, cent statures d’homme, chaque taille d’homme étant supposée de trois coudées. À soixante-dix brasses au-dessus du sol, régnait une galerie, prise sur l’épaisseur des murs, de telle façon que le diamètre de la tour se rétrécissait à cet endroit. La diminution continuait, ensuite jusqu’au sommet.

Un escalier intérieur conduisait de la base au sommet du phare. De plus en plus étroit à mesure qu’on s’élevait, l’escalier était percé de fenêtres, pour éclairer les personnes qui s’y aventuraient. Dans la partie inférieure du monument et sous l’escalier même, étaient disposés des logements, destinés sans doute aux hommes de service.

C’est d’après ces données que l’on peut se représenter le célèbre monument égyptien, comme nous l’avons fait dans la figure 265.

Un feu continuel brûlait sur la plate-forme supérieure, et s’apercevait, dit-on, à une distance de cent milles, ce qui équivaut à plus d’une journée de marche des navires de l’antiquité. Pendant le jour, on ne voyait que de la fumée ; mais, le soir venu, le feu ressemblait de loin à une étoile qui serait peu élevée au-dessus de l’horizon.

D’après Montfaucon, cette apparence aurait été fatale à bien des navigateurs, qui, ne reconnaissant pas le phare et croyant faire fausse route, se dirigeaient d’un autre côté, et allaient échouer sur les sables de la Marmarique.

Les auteurs arabes ont débité beaucoup de fables sur le phare d’Alexandrie. C’est d’après ces auteurs que Martin Crusius a prétendu qu’Alexandre le Grand aurait fait placer au sommet de cette tour un miroir tellement puissant et merveilleux qu’il montrait les flottes ennemies à cent lieues de distance. Martin Crusius ajoute qu’après la mort d’Alexandre, ce miroir fut brisé par un Grec, nommé Sodore, qui choisit, pour accomplir cet exploit, le moment du sommeil des soldats commis à la garde de la tour.

Pour croire à ce récit, il faudrait admettre que le phare égyptien était bâti du temps d’Alexandre, ce qui est inexact.

Tous les phares postérieurs à la tour d’Alexandrie, furent construits sur le même plan. On tenait à honneur d’imiter ce parfait modèle. C’est, du moins, ce qui est bien établi pour le phare d’Ostie, véritable port de l’ancienne Rome.

L’empereur Claude fit élever ce phare à l’embouchure du Tibre, et l’historien Suétone en parle en ces termes :

« Claude fit faire au port d’Ostie une très-haute tour sur le modèle du phare d’Alexandrie, afin que les feux qu’on y faisait pussent guider la nuit les navires qui se trouvaient en mer. »

Cette affirmation est corroborée par un passage d’Hérodien. Cet auteur décrivant les catafalques en usage pour les funérailles des empereurs, s’exprime ainsi :

« Au-dessus du premier carré, il y a un autre étage plus petit, orné de même, et qui a des portes ouvertes ; sur celui-là il y en a un autre, et sur celui-ci encore un autre, c’est-à dire jusqu’à trois ou quatre, dont les plus hauts sont toujours de moindre enceinte que les plus bas ; de sorte que le plus haut est le plus petit de tous. Tout le catafalque est semblable à ces tours qu’on voit dans les ports et qu’on appelle phares, où l’on met des feux pour éclairer les vaisseaux, et leur donner moyen de se retirer en lieu sûr. »