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mineux date, selon nous, tout le mal. Les plafonds lumineux ont toutes sortes d’inconvénients, et c’est peut-être eux seuls qu’il faut accuser des vices du mode de ventilation, qui porte aujourd’hui de si tristes fruits, au théâtre Lyrique, au théâtre du Châtelet et à celui de la Gaîté. Le plafond lumineux a forcé de renoncer au vieux mais commode système de la ventilation par le trou du lustre. Il a obligé d’employer ces moyens artificiels de ventilation, dont les effets ne sont peut-être si désagréables que parce qu’ils sont contrariés par l’interposition de cette cloison infranchissable. Ce n’est donc, selon nous, que du jour où l’on aura mis en pièces et jeté au rebut ce déplorable rideau de verre, que l’on pourra songer à donner aux spectateurs un système de ventilation hygiénique.

Les plafonds lumineux qui transforment une salle de théâtre en une véritable prison hermétiquement fermée, où tout renouvellement d’air est impossible, les plafonds lumineux qui ferment obstinément une capacité qui devrait être, au contraire, toujours largement ouverte, et qui exposent les spectateurs à tous les dangers résultant de l’air confiné, ont encore d’autres inconvénients. Nous laisserons un écrivain compétent, M. Duplessis, que nous citions plus haut, ajouter les derniers traits à ce tableau déjà si chargé.

« En 1862, dit M. Duplessis, on inaugura au théâtre Lyrique et au Châtelet les coupoles garnies d’un nombre considérable de becs de gaz et isolées du reste de la salle par un plafond plus ou moins transparent. L’idée, toutefois, n’appartenait pas tout entière à la commission. M. Morin avait bien songé à l’enveloppe isolante, mais il voulait conserver le lustre. L’autre disposition, empruntée sans doute au projet de M. Trélat, lui fut en quelque sorte imposée, et cette immixtion administrative dans les travaux de la commission ne fut pas heureuse. Dans ces coupoles, la lumière projetée dans toutes les directions par des réflecteurs, traverse sans doute le plafond en quantité suffisante, du moins quand ce dernier n’a pas une trop grande épaisseur, comme au Châtelet. Mais, à être ainsi tamisée, elle perd toute vivacité, tout éclat. Elle prend une teinte douce et uniforme, impuissante à produire ces scintillements qui donnent tant de relief et de gaieté à la flamme légèrement ondoyante du gaz brûlant à l’air libre. Aussi ne mord-elle pas assez sur les objets et est-elle loin de faire suffisamment valoir et ressortir les détails de la décoration de la salle et de la toilette des femmes. Elle a de plus l’inconvénient de tomber sur les spectateurs dans une direction trop perpendiculaire, et de produire parfois sur les visages des ombres allongées d’un effet assez désagréable. Puis ce plafond incandescent fatigue la vue, et il laisse passer une partie de la chaleur des becs de gaz, chaleur qui cause, à presque tous les étages, une sensation fort incommode, et même assez pénible quand on la perçoit directement sur la tête ; enfin il échauffe sensiblement l’air déjà si dilaté qui se trouve dans son voisinage immédiat.

« Si l’on s’est plaint avec tant de vivacité de cette disposition, on voit que ce n’est pas tout à fait sans raison. Elle ne serait pas moins inacceptable si aux becs de gaz on substituait la lumière électrique, et nous ne mentionnons que pour mémoire cette modification qui, à proprement parler, n’en est pas une, car en conservant le plafond, elle conserve le vice fondamental du système. Le mieux est encore de revenir à l’ancienne disposition et de laisser les appareils d’éclairage en communication directe avec la salle, du moins toutes les fois que la chose est possible. Le mode de distribution de la lumière est en effet toujours subordonné au mode de ventilation adopté ; il est en quelque sorte imposé par lui, et l’on ne saurait, d’une façon générale et absolue, proclamer la supériorité d’un moyen d’éclairage sur tous les autres. Le tout dépend du point de vue auquel on se place et des conditions dans lesquelles on se trouve. Tel qui serait excellent comme foyer lumineux, doit être cependant rejeté pour les perturbations qu’il apporterait dans le renouvellement de l’air.

« Il est évident toutefois que si certains modes de ventilation avaient pour conséquence inévitable un système d’éclairage par trop défectueux, ils seraient par cela même condamnés. Les inconvénients de ce plafond sont si grands qu’ils ne nous paraissent nullement compensés par les avantages, souvent fort contestables, du mode de ventilation qui les nécessite, et alors même qu’on remplacerait ce plafond et ses becs de gaz par des lustres enfermés dans une enveloppe de verre, — disposition appliquée à la Gaîté et bien préférable au point de vue de l’éclairage, — les vices subsistants seraient encore assez graves pour motiver le rejet du système. »

Nous ne pouvons qu’applaudir à cette juste philippique, venant se joindre à nos propres arguments contre la déplorable invention des plafonds lumineux appliqués à l’éclairage des théâtres.