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plus de 26 millions de francs de bois à brûler (500 000 stères). Ce bois étant uniquement destiné aux cheminées, lesquelles n’utilisent guère, en moyenne, que 8 à 10 pour 100 de la chaleur produite dans le foyer, il en résulte qu’à Paris seulement, et pour cette seule espèce de combustible, on perd chaque année, on jette dans les airs, une quantité de chaleur équivalente à 23 millions de francs, ce qui donne pour chaque maison une perte annuelle de 500 francs.

Ce résultat déplorable est inhérent aux dispositions et aux principes de nos cheminées, dont nous avons déjà signalé les défauts. Contentons-nous de rappeler que la situation du foyer, placé contre l’une des parois de l’appartement, fait déjà perdre une grande partie de la chaleur rayonnante du combustible en ignition. Mais un vice plus grave encore, car il est tout à fait sans remède, c’est l’existence de cette énorme conduite, destinée à livrer passage aux produits de la combustion, et qui emporte constamment l’air, à mesure qu’il s’échauffe dans le foyer. Si l’on pouvait le conserver dans l’appartement, cet air chaud en élèverait promptement la température ; mais il s’échappe au plus vite, et se trouve tout aussitôt remplacé par l’air froid de l’extérieur, qui, se glissant par le dessous des portes et des jointures, vient, au grand détriment de l’effet calorifique, remplir incessamment ce tonneau des Danaïdes incessamment vidé. Aussi, le seul bénéfice qui résulte de nos cheminées, sous le rapport calorifique, réside-t-il dans le rayonnement du foyer qui échauffe l’air placé dans son voisinage. Mais cet air chaud ne persiste pas longtemps, car l’air du dehors vient promptement prendre sa place.

M. Péclet disait un jour : « Les architectes comprennent si mal les principes de l’application du calorique, que la place la plus chaude d’une maison se trouve sur les toits. » Ce mot n’est pas seulement un trait d’esprit, c’est aussi un trait de bon sens. Le bon sens et l’esprit sont plus proches parents qu’on ne l’imagine. On a dit : « L’esprit est la gaieté du bon sens. »

Là n’est pas encore tout le gaspillage économique qui résulte des cheminées. Time is money (le temps est de l’argent), disent les Anglais. A-t-on calculé ce que vaut le temps qui est nécessaire pour allumer, plusieurs fois par jour, pendant les cinq mois que dure l’hiver, les huit cent mille cheminées parisiennes ? La place coûte cher aussi. A-t-on calculé ce que coûte l’emplacement des caves, des greniers, en un mot des resserres où chacun tient son combustible en réserve ? Enfin, peut-on estimer au juste ce que coûtent les transports de bois, les vols domestiques, les dégradations que cause la fumée, et ce qu’on a dépensé pour la construction des cheminées et des resserres dont il vient d’être question ?

Nous ne croyons pas commettre d’exagération, si, par ces motifs, nous portons au double des chiffres précédents la perte annuelle d’argent occasionnée par les cheminées, c’est-à-dire si nous chiffrons cette perte à 270 millions pour la France entière, et à 46 millions pour la seule ville de Paris, en ne comptant que le bois.

Nous ne disons rien du chauffage par les poêles, qui est économique à la vérité, mais qui est reconnu insalubre.

Il existe des appareils qui remédient aux défauts des cheminées sous le rapport économique : ce sont les calorifères. Malheureusement, ils sont peu répandus, grâce à l’esprit de routine et d’ignorance qui domine partout. Ces appareils mêmes, c’est-à-dire les calorifères à air chaud, ne sont pas eux-mêmes parfaits. Mais on les aurait mieux étudiés et ils offriraient moins de défauts, si le génie des inventeurs avait été stimulé par un usage plus général de ce mode de chauffage.

Un bon calorifère à air chaud est l’égal d’un poêle, quant au rendement calorifique.