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Dans ce passage il s’agit bien certainement de poêles. Les lignes qui suivent nous fixent sur l’époque où parurent les appareils mixtes, dits cheminées-poêles.

« L’on commence à voir à Paris de petites cheminées à l’anglaise pour des cabinets. Elles sont faites en plaques de tôle ou fer fondu, tant pour l’âtre et le contre-cœur que pour les côtés des jambages[1]. »

Les poêles actuels de l’Allemagne et de la Russie diffèrent peu du modèle que nous avons emprunté au livre de Keslar.

En Suède, en Russie et dans une grande partie de l’Allemagne, les poêles sont construits en terre cuite, préalablement épurée, ou en briques réfractaires. Ils sont énormes, et leurs parois, très-épaisses, sont encore recouvertes à l’extérieur d’une couche de terre. La fumée y circule par un grand nombre de conduits verticaux, et se refroidit presque entièrement avant de s’échapper au dehors. La masse conserve fort longtemps la chaleur du combustible. En temps ordinaire, on se contente d’allumer le feu une fois dans la journée.

Dans le centre de la Russie, chaque maison a une pièce particulière appelée le poêle. Ce monstrueux appareil y cache entièrement le plancher, ou plutôt celui-ci n’est autre chose que la face supérieure du poêle. C’est dans cette chambre que les habitants passent tout l’hiver. Dans une autre salle se trouvent la bouche et le conduit de dégagement de la fumée. Descartes dit dans une de ses lettres datées de la Hollande, qu’il passa tout un hiver « dans un poêle. » Les écrivains peu au fait des habitudes de l’Allemagne et du mode de construction de leurs appareils de chauffage, ont eu quelque peine à comprendre ce passage de l’illustre philosophe.

Les poêles construits selon l’usage allemand et russe, ne sont point nécessaires en France, où le climat est assez doux. Le célèbre Guyton de Morveau commit pourtant l’erreur de vouloir importer chez nous le poêle suédois, et l’erreur, plus grande encore, de tenter son perfectionnement par l’addition de plaques de fer destinées à transmettre à l’air la chaleur du foyer. Tredgold le lui reproche avec raison. Il serait superflu d’ajouter que cette innovation n’obtint aucun succès.

Le poêle, tel qu’il est construit en France, c’est-à-dire composé d’une enveloppe métallique ou en porcelaine et muni d’un tuyau de tôle, constitue le moyen de chauffage le plus économique, car il utilise 85 à 90 pour 100 de la chaleur dégagée, c’est-à-dire sept à huit fois plus que la cheminée ordinaire. Mais il est aussi, de tous les moyens de chauffage, le moins salubre. C’est ce que nous allons établir en examinant les défauts nombreux que ces appareils présentent.

Ces défauts peuvent se résumer ainsi :

1o Les poêles ne ventilent point les pièces.

2o Ils dessèchent l’air, au détriment de la santé.

3o Quand ils sont formés de substances métalliques et surtout de fonte, ils sont insalubres, parce qu’ils déversent dans l’air un gaz éminemment toxique, l’oxyde de carbone.

Justifions ces diverses propositions.

L’enveloppe de nos poêles ordinaires ne présente que deux ouvertures : l’une pour l’introduction du combustible, l’autre pour la sortie de la fumée. Ces deux ouvertures sont fort étroites, relativement aux ouvertures qui leur correspondent dans les cheminées communes.

M. le général Morin[2] évalue à 5 mètres cubes par kilogramme de bois brûlé, la quantité d’air qui traverse le poêle, et qui s’échappe par le conduit de la fumée. Ce même volume d’air n’est que de 6 ou 7 mètres cubes par kilogramme de houille, et il varie de 10 à 12 mètres cubes par kilogramme

  1. Architecture française des bâtiments particuliers composée par M. Louis Savot, avec notes de Blondel ; Paris. MDCLXXV, in-8 (page 140). La première édition de cet ouvrage parut en 1624.
  2. Manuel pratique du chauffage et de la ventilation. 1 vol. in-8. Paris, 1868.