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rent l’idée de rétrécir le diamètre de la cheminée de verre, immédiatement au-dessus de la portion occupée par la mèche. On dirigeait ainsi sur la flamme une plus grande quantité d’air, parce qu’on l’obligeait à se réfléchir sur la partie coudée du tube ; et l’air ainsi réfléchi, se trouvant déjà échauffé, cette circonstance ajoutait encore aux avantages de la combustion.

Fig. 11. — Bec d’Argand muni d’un verre coudé.

La figure 11 représente le verre de la lampe imaginée par Lange et Quinquet, en 1784. Cette modification est, d’ailleurs, la seule que l’on ait apportée à la lampe d’Argand, depuis qu’elle est sortie des mains de l’inventeur.

Ce perfectionnement parut à Quinquet et à Lange, suffisant pour constituer une invention nouvelle, et tout aussitôt, les deux associés se mirent à répandre dans le public l’annonce de la découverte des lampes à courant d’air, en s’en attribuant tout l’honneur, et en évitant de prononcer jamais le nom du physicien de Genève. L’absence de ce dernier, alors retenu en Angleterre, assurait le succès de leurs manœuvres.

Dans son premier volume de 1785, la Bibliothèque physico-économique annonçait à ses lecteurs les nouveaux appareils d’éclairage, dans un article intitulé : Description de la lampe physico-pneumatique à cylindre, inventée par M. Lange, distillateur du Roi. Après avoir passé en revue les procédés d’éclairage usités chez les anciens peuples ; après avoir parlé de Salomon, des Égyptiens, des Grecs et des Romains, rappelé les lampes de Cicéron, Plutarque, Pythéas et Démosthènes ; signalé, à une époque moins reculée, la lampe de Calliodore, perfectionnée par Cardan et par Boyle, l’auteur de l’article ajoutait :

« Cependant il s’en faut bien que ces dernières ressemblassent à celles dont nous donnons la description. C’est aux veilles de M. Lange que nous sommes redevables des précieux avantages qui résultent de ces lampes. Sans moyens empruntés, elles donnent une lumière qui équivaut à celle de sept ou huit bougies. Il faut joindre à cela le très-grand mérite de ne laisser échapper aucune fumée ni odeur. On doit savoir gré à ce physicien de la bonne foi avec laquelle il présente ses idées sur cette matière. »

Lange et Quinquet présentaient avec bonne foi leurs appareils, en ce sens qu’ils n’avaient point demandé au Gouvernement de privilège pour la vente de ces lampes. La demande d’un privilège en leur faveur aurait rencontré, en effet, des difficultés sérieuses : le témoignage unanime du public aurait constaté que l’invention appartenait à un autre. La même bonne foi n’avait pas présidé à la manière dont Lange et Quinquet s’étaient approprié les idées de l’inventeur.

Les deux associés s’étaient empressés de créer un atelier pour la construction de nouvelles lampes. L’article du journal que nous venons de citer, renfermait cette note significative :

« M. Lange se chargera avec plaisir de faire construire ces lampes pour les personnes qui les lui demanderont, ayant soin d’affranchir la lettre d’avis. Ces lampes sont généralement en usage à Paris dans les palais des grands, chez les marchands et artistes, aux spectacles, etc. »

En gens habiles et qui pensaient à tout,