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duit mal la chaleur ; elle doit cette propriété tant à sa nature propre qu’à l’air atmosphérique emprisonné dans sa substance, qui lui donne son état de porosité et de division. Par l’effet de sa mauvaise conductibilité, la neige isole l’intérieur de la cabane de l’air du dehors, dont la température est de 20 à 30°.

Enfermés dans leur étroite et misérable demeure, les Groënlandais sont réchauffés par leur propre chaleur, et par celle de leurs cohabitants, les rennes.

Ils ont pourtant un combustible : c’est l’huile des poissons qu’ils ont pêchés pendant l’été. Cette huile est l’élément fondamental de leur triste existence ; elle leur sert à se chauffer, à s’éclairer et à cuire leurs aliments. C’est pour cela qu’une grosse lampe est toujours allumée au milieu de la hutte des Groënlandais. Au-dessus de sa flamme est posée une marmite de métal, qui suffit à la préparation de toute leur pauvre cuisine.

L’air de la hutte des Esquimaux ainsi recouverte d’un manteau de neige, ne doit donc presque jamais se renouveler. En effet, au bout de quelques jours, il est horriblement vicié par l’acide carbonique, que dégagent à la fois la combustion de l’huile de la lampe et la respiration des êtres vivants, qui est une autre espèce de combustion. L’oxygène de l’air s’épuise peu à peu, et alors hommes et animaux tombent dans une longue torpeur, parfaitement assimilable au sommeil de la marmotte et des autres mammifères hibernants. Dans cet état extraordinaire, ils respirent fort peu, et l’activité de l’organisme étant presque éteinte, la faim et les autres besoins de la vie ne viennent se faire sentir qu’à de rares intervalles.

Le temps paraît moins long quand on le passe à sommeiller presque constamment. Aussi les Samoïèdes et les Esquimaux sont-ils fort surpris quand on leur affirme que leur nuit de six mois est aussi longue que leur jour de six mois.

Nous ajouterons que cette faculté de l’hibernation n’est pas particulière à l’homme qui habite les régions du Nord. On la trouve chez les habitants de certaines parties reculées de la Savoie. Nous citerons en exemple la vallée de Bessans, sur la rivière d’Arc, à quelque distance du mont Cenis ; la vallée de Tignes, sur l’Isère, etc. Il arrive souvent que les paysans de ces contrées qui ne peuvent se procurer le luxe d’une habitation d’hiver, au lieu de quitter la montagne quand vient l’automne, restent dans leurs chalets de pierre sèche, avec quelques provisions. Bientôt, dix pieds de neige les ensevelissent. Hommes et bêtes vivent resserrés dans un étroit espace, et il leur arrive alors ce qui arrive aux Esquimaux. L’air confiné qui remplit le chalet perd son oxygène, et avec ce gaz ses qualités vitales. Alors une longue somnolence s’empare des pauvres montagnards, qui ne s’éveillent qu’aux premiers jours du printemps.


CHAPITRE II

invention de la cheminée au moyen âge. — ses perfectionnements. — travaux de serlio, keslar, savot, franklin, gauger, etc.

Revenons aux anciens peuples du nord de l’Europe.

À mesure que la civilisation progressait, on dut chercher des moyens de chauffage plus commodes que l’antique brasier. Selon M. Viollet-Leduc, l’éminent architecte contemporain, qui a si bien étudié les habitations du Moyen âge, on ne voit guère apparaître en Europe, qu’au xiie siècle, la cheminée, c’est-à-dire le foyer disposé dans les intérieurs[1]. Mais par quelle gradation était-on arrivé, du simple trou percé dans le toit d’une cabane, comme nous l’avons représenté dans les maisons gauloises, au foyer inté-

  1. Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle (tome III, page 194, article Cheminée).