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manganate de soude, qu’il est presque certain de pouvoir livrer ce sel au commerce au prix de 30 à 40 centimes le kilogramme.

Tel est le procédé qui a permis de transporter dans la pratique l’éclairage au moyen du gaz oxy-hydrique, c’est-à-dire le système qui consiste à brûler le gaz ordinaire de l’éclairage par un courant de gaz oxygène.

Les matières réfléchissantes que l’on doit interposer au milieu de la flamme, ont été modifiées avec avantage par MM. Tessié du Motay et Maréchal. Ces deux expérimentateurs, après avoir fait, pendant quelque temps, usage des lamelles de chlorure de magnésium et de magnésie de M. Carlevaris, leur ont substitué des disques de magnésie pure. En effet, les disques magnésiens illuminés par le jet enflammé, faisaient un effet magique, mais ils duraient à peine une soirée, et se brisaient au moment où l’on y pensait le moins. MM. Tessié du Motay et Maréchal ont réussi à fabriquer, avec un mélange de magnésie et de charbon, des crayons cylindriques, qui ne laissent rien à désirer. Illuminés par trois jets de gaz oxy-hydrogène, ils deviennent des cylindres de feu éblouissants, et peuvent servir à l’éclairage pendant plus d’une semaine.

MM. Tessié du Motay et Maréchal ont poursuivi avec une rare persévérance, leur projet de faire adopter dans l’éclairage public le gaz oxy-hydrique. Une expérience publique relative à ce nouveau mode d’éclairage, se fit pendant deux mois de l’hiver de 1868, sur la place de l’Hôtel de ville. Quatre grands candélabres à six becs répandaient une clarté dont la vivacité et l’éclat rappelaient la lumière électrique. D’une certaine distance on pouvait porter les yeux sur le centre lumineux qui rayonnait dans un grand espace, sans craindre d’avoir les yeux blessés, comme il arrive avec la lampe électrique. Nous donnerons quelques détails sur cette expérience, pour renseigner nos lecteurs sur les procédés techniques qui se rattachent à cette invention intéressante.

L’appareil était établi dans les caves de l’Hôtel de ville. Dans un fourneau de brique, s’étageaient sept cornues de fonte, longues d’environ 3 mètres, chauffées au rouge, et contenant le manganate de soude. Une chaudière à vapeur servait à diriger un courant de vapeur d’eau à l’intérieur de ces cornues. Le mélange d’oxygène et de vapeur d’eau sortant des cornues était dirigé, au moyen d’un tube, dans un réfrigérant où la vapeur d’eau se condensait, tandis qu’un tuyau supérieur servait à donner issue au gaz oxygène et à l’amener dans un gazomètre, où on le conservait pour les besoins de l’éclairage.

La seconde partie de l’opération, c’est-à-dire la reconstitution du manganate de soude aux dépens de l’air atmosphérique, se faisait à l’aide d’un ventilateur, mis en action par une locomobile. Avant de s’introduire dans les cornues chauffées, l’air traversait un épurateur assez semblable à celui qui est employé dans les usines à gaz, et qui consiste en un vase de fonte contenant de la chaux. Dans cet appareil, la chaux absorbe l’acide carbonique de l’air, dont la présence nuirait à la réaction.

La figure 135 représente l’appareil employé par M. Tessié du Motay, pour préparer le gaz oxygène au moyen de la décomposition par le feu, du manganate de soude. Dans les cornues B, B, que renferme le fourneau A, se trouve le manganate de soude. La vapeur d’eau, sous l’influence de laquelle ce sel est décomposé facilement par la chaleur, arrive par le tube L, après s’être surchauffée dans le foyer C, dont le cendrier est placé en contre-bas S′. Le cendrier du fourneau est également placé en contre-bas (S). Quand le courant de vapeur et la température ont été maintenus un temps suffisant pour décomposer le manganate, l’ouvrier, en ouvrant un robinet, laisse arriver par le tube P de