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Les frères Montgolfîer venaient d’exécuter, à Annonay, la célèbre expérience de l’ascension du premier ballon à feu, et l’Académie des sciences s’était empressée d’appeler à Paris les auteurs de cette découverte remarquable. Lié d’amitié avec les frères Montgolfier, Argand se décida à partir avec eux pour la capitale.

Dès leur arrivée à Paris, les frères Montgolfier allèrent s’établir au faubourg Saint-Antoine, dans les jardins de leur ami Réveillon, pour y construire leur machine aérostatique. C’est là que furent préparées, ainsi que nous l’avons dit dans la Notice sur les aérostats qui fait partie du deuxième volume de cet ouvrage, les expériences qui devaient fournir à la curiosité des Parisiens un aliment inépuisable. Prenant part à leurs travaux, en contact chaque jour avec les savants et les principaux industriels de la capitale, Argand trouvait là réunies toutes les conditions qu’il était venu chercher à Paris. C’est ainsi qu’il se lia avec Faujas de Saint-Fond, qui, dans le second volume de son ouvrage, intitulé Expériences aérostatiques, a pris soin de constater la date de sa découverte.

C’est encore grâce aux deux frères Montgolfier, que le physicien de Genève fut mis en relation avec Cadet de Vaux et Lesage, de l’Académie des sciences. Argand communiqua à ces deux physiciens la découverte fondamentale qu’il avait faite, d’une lampe « éclairant à elle seule comme dix ou douze bougies réunies. » Ainsi que nous l’avons dit au début de ce chapitre, Lesage et Cadet de Vaux s’empressèrent de le présenter au lieutenant de police, Lenoir, comme l’inventeur d’un système qui devait apporter une révolution complète dans les procédés d’éclairage.

Dans l’audience qui fut accordée par le lieutenant de police à nos trois physiciens, le nouvel appareil d’Argand fut exhibé. On alluma la lampe dans le cabinet de ce magistrat ; on la plaça à différentes hauteurs, et l’on n’eut pas de peine à constater son grand pouvoir éclairant.

Lenoir fut tellement satisfait de ces résultats, qu’il désira appliquer aussitôt à l’éclairage des rues les lampes du physicien de Genève. Mais Argand, qui n’était parvenu à réaliser son invention que par de longues et pénibles recherches, désirait, avant de la livrer au public, s’assurer la juste récompense de ses travaux. Il ne voulut donc pas permettre un examen trop attentif de sa lampe, désirant, avant d’en dévoiler entièrement le mécanisme, faire ses conditions avec le ministre.

Lenoir trouva cette prétention d’Argand exagérée ; et, sur le refus de ce dernier de faire connaître sans réserve le mécanisme de sa lampe, il rompit toute négociation ; ce qui était de sa part une injustice et une faute.

N’ayant pu réussir à s’entendre avec le lieutenant de police de Paris, Argand se rendit en Angleterre. Il y fut mieux accueilli, car une patente, qui porte la date de 1783, lui fut accordée, avec l’autorisation d’exploiter à son profit ses appareils d’éclairage. Ayant obtenu ce privilège pour l’Angleterre, Argand revint à Paris.


CHAPITRE III

quinquet dispute à argand la découverte des lampes à double courant d’air. — lange et quinquet. — infortunes d’argand. — sa mort.

En persistant, comme il le faisait, à ne dévoiler qu’à demi le mécanisme de sa lampe, en continuant à faire mystère de son invention, Argand s’exposait à un danger qu’il eût aisément conjuré avec un peu plus d’habileté ou de prudence. La cupidité éleva sur sa route des écueils qu’il ne sut point discerner et dont il fut la victime[1].

  1. Les documents sur l’histoire de l’invention des lampes à courant d’air, et sur les discussions entre Argand, Lange