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minées artificielles, ne pouvant plus se dilater que dans le sens de la longueur des tuyaux, ne s’éloignait pas de la flamme et servait alors tout entier à entretenir la combustion.

Par cette suite de perfectionnements, Meunier fut donc amené, en définitive, à disposer autour de la mèche des lampes à huile, un tuyau métallique, destiné à activer la combustion. Ce moyen ne s’appliquait qu’à la combustion, considérée comme moyen de chauffage.

Tel fut le premier pas fait dans la direction qui nous occupe. Argand fit le second, en appliquant, avec un succès de beaucoup supérieur, les mêmes principes à l’éclairage.

Bien avant qu’Humphry Davy eût exécuté ses recherches sur la constitution physique et les propriétés de la flamme, Argand avait parfaitement analysé le phénomène chimique de la combustion éclairante. Il avait reconnu que la flamme n’est autre chose qu’un gaz, dont la température est élevée au point de rendre ce gaz lumineux. Il avait constaté ce fait capital, que, dans un gaz enflammé, les parties extérieures seules, c’est-à-dire celles qui se trouvent en contact immédiat avec l’air, servent à la combustion ; et que les parties qui forment l’axe intérieur du cône lumineux, passent sans éprouver l’action de l’oxygène atmosphérique. C’est sur ce dernier fait qu’Argand fit reposer la disposition, qui constitue la première partie de son ingénieuse invention. Au lieu d’employer, pour ses lampes, les grosses mèches de coton anciennement en usage, et qui ne présentaient à l’air qu’une surface insuffisante pour l’entière combustion de l’huile, il fit usage de mèches plates, qu’il enroula de manière à en former un large canal, destiné à donner accès à l’air. Ainsi il réalisait ces deux conditions, de mettre en contact avec l’air la surface presque tout entière de la flamme, et de diminuer assez l’épaisseur de cette dernière pour qu’aucune de ses parties ne pût échapper à l’action de l’oxygène atmosphérique.

La seconde idée qui présida à la construction des lampes d’Argand, consista dans l’emploi d’une cheminée, destinée à provoquer, dans l’espace occupé par la flamme, un courant d’air considérable.

Les premières lampes construites par Argand, portaient une cheminée de métal, comme celle dont Meunier avait fait usage pour chauffer sa chaudière. Cette cheminée était placée à une certaine distance au-dessus de la flamme, pour ne pas trop nuire à la lumière. Mais dès qu’il fut parvenu à faire construire des cheminées de verre, qui n’éclatassent point par l’impression de la chaleur, il se hâta de les substituer au cylindre métallique.

C’est à Montpellier qu’Argand fît construire ses premières lampes. En 1780, il en avait placé un premier modèle dans une de ses distilleries de Valignac, sur les terres de M. de Joubert, trésorier des États du Languedoc. M. de Saint-Priest, intendant de la province, avait suivi et encouragé les essais de l’inventeur. En 1782, M. de Saint-Priest présenta la lampe d’Argand aux États du Languedoc. Bien que fort imparfaite encore, puisqu’elle n’était munie que d’une cheminée métallique, elle fut admirée par tous les membres des États.

Ayant réussi à faire construire des cheminées de verre qui ne se brisaient point par la chaleur de la flamme, Argand apporta le dernier sceau à sa découverte, et réalisa la véritable lampe à double courant d’air et à cheminée de verre, c’est-à-dire la plus grande découverte qui ait été faite dans aucun temps parmi les moyens d’éclairage, et qui révolutionna toute cette branche de l’industrie.

Sa découverte étant ainsi complète, Argand songea à revenir à Paris, pour lui donner l’extension qu’elle méritait, et en retirer les profits qu’il avait le droit d’en attendre.