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pellier reçut un rapport très-favorable, émanant d’une commission dont Chaptal faisait partie, sur les nouvelles distilleries d’Argand. Un autre rapport émanant d’une commission d’hommes spéciaux, fut rédigé par l’abbé Rozier, pour être remis au contrôleur des finances de Louis XV, M. d’Ormesson. Ce ministre en parla au Roi, qui désigna le vicomte de Saint-Priest, intendant de la province du Bas-Languedoc, qui résidait à Montpellier, pour procéder à un examen définitif de l’industrie nouvelle fondée par Argand.

Le résultat de cette dernière enquête fut concluant. Le nouveau système de distillation, les appareils, les plans des ateliers, tout cela constituait un ensemble irréprochable, qui avait eu pour résultat d’augmenter considérablement le produit des vins passés à l’alambic, et qui avait enrichi le Bas-Languedoc et la France. M. de Saint-Priest demandait au Roi, pour les deux frères Argand, une récompense de 300 000 livres. Le contrôleur des finances préféra leur offrir quelque chose de moins coûteux, c’est-à-dire une décoration.

Le trésorier de la province, M. de Joubert, qui avait largement profité des travaux des deux frères, leur acheta alors, moyennant 120 000 livres, leurs droits d’inventeur.

Après la conclusion de cet arrangement Ami et Jean Argand revinrent à Genève. Ils s’y reposèrent quelque temps des fatigues de cette longue campagne.

Au milieu de ses occupations dans les distilleries du Bas-Languedoc, Argand avait fait une découverte fondamentale, qui était appelée à révolutionner l’éclairage. Il avait imaginé une disposition toute particulière de la mèche pour accroître considérablement le pouvoir éclairant des lampes à huile, et il avait fait l’essai de ce système nouveau pour l’éclairage de ses vastes ateliers.

En quoi consistait la lampe d’Argand, et par quels principes l’auteur avait-il été conduit à son invention ?

Un travail scientifique de Meunier avait dirigé ses premiers pas dans cette voie.

Les découvertes chimiques, accomplies à la fin du dernier siècle, ont ce caractère admirable, que, non-seulement elles ont contribué à la constitution de la science théorique, mais que, transportées dans les faits journaliers et communs, elles sont devenues une source inépuisable de précieuses découvertes. En créant la doctrine générale de la combustion, en apportant une explication complète de l’ensemble et des particularités de ce grand phénomène, Lavoisier, en même temps qu’il élevait l’édifice nouveau de la chimie moderne, ouvrait aussi la porte à toute une série d’applications de cette science, dont la chaîne infinie se déroule encore sous nos yeux. Celle de ces applications qui fut saisie la première, parce qu’elle était la plus directe, fut l’analyse et l’explication rationnelle des phénomènes lumineux qui accompagnent la combustion. Dès que Lavoisier eut montré, dans la série de ses mémoires publiés de 1774 à 1780, en quoi consiste la combustion, et mis en évidence les conditions qui la favorisent ou nuisent à son accomplissement, les physiciens firent aussitôt l’application de ces principes à l’étude de l’éclairage et du chauffage. Meunier, officier d’un grand mérite, enlevé de trop bonne heure aux sciences, comprit le premier les applications que l’on pouvait faire des principes de Lavoisier à la combustion des corps éclairants.

Les Mémoires de l’Académie des sciences pour 1784 renferment un travail de Meunier qui a jusqu’ici attiré à peine l’attention, bien qu’il présente, comme on va le voir, le germe des modifications apportées par Argand à l’art de l’éclairage. Ce travail a pour titre : Mémoire sur les moyens d’opérer une entière combustion de l’huile, et d’augmenter la lumière des lampes, en évitant la formation de la suie à laquelle elles sont ordinairement sujettes.

À Cherbourg, où il était retenu par ses