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Ce physicien étranger s’appelait Argand.

Né à Genève le 5 juillet 1750, Ami Argand était le fils d’un horloger de cette ville[1]. Ses parents, sans être riches, n’étaient pas dans une position gênée, et ils avaient pu seconder, par une éducation libérale, les goûts studieux que le jeune homme avait manifestés de bonne heure. Quand il fut sorti du collège, on le fit entrer à l’auditoire des belles-lettres, qui correspond au gymnase actuel de Genève. Il eut pour condisciples Frédéric-Guillaume Maurice, l’un des fondateurs de la Bibliothèque britannique ; François Huber, que ses observations sur les abeilles ont immortalisé, et Nicolas Chenevière, qui fut pasteur, en même temps que l’un des poëtes populaires de la Suisse.

Deux années plus tard, Ami Argand entra dans la classe de philosophie ; car ses parents auraient désiré qu’il embrassât la carrière ecclésiastique. Il eut pour professeur le célèbre Horace-Bénédict de Saussure, physicien illustre, auteur du Voyage dans les Alpes, et l’un des fondateurs de la météorologie. C’est dans les leçons de ce savant qu’Argand puisa un goût prononcé pour les sciences physiques.

Pourvu de connaissances scientifiques déjà assez étendues, Ami Argand se rendit à Paris, vers 1775, pour s’y perfectionner dans les études de physique et de chimie. Bientôt il fut en état d’enrichir la science de travaux originaux.

En 1776, il lut à l’Académie des sciences de Paris, un mémoire sur les Causes de la grêle attribuée à l’électricité. Deux ans après, il donna, dans le recueil de l’abbé Rozier, intitulé Observations sur la physique, sur l’histoire naturelle et les arts, une Description du cabinet de physique et d’histoire naturelle du grand-duc de Toscane à Florence, traduite de l’italien. Ce n’était pas là toutefois une simple traduction. Argand y avait ajouté un grand nombre de notes résultant de ses conversations avec l’abbé Fontana, sous la direction duquel on devait publier, en plusieurs volumes in-folio, la description du cabinet de physique du grand-duc Léopold.

Ami Argand avait été recommandé à Paris, par Bénédict de Saussure, à Lavoisier et à Fourcroy. Devenu le disciple de ces deux hommes célèbres, il se livra, sous leurs auspices, à l’enseignement public de la chimie, et fit, en particulier, un cours sur la distillation.

Quelques propriétaires de vignobles du Bas-Languedoc, qui suivaient le cours que donnait sur la distillation le jeune physicien de Genève, furent frappés de la justesse de ses idées. Argand faisait ressortir avec beaucoup de force, les vices du système alors usité pour distiller, ou, comme on le disait, pour brûler les vins, dans le Bas-Languedoc, et il proposait une méthode nouvelle pour cette opération. Ces propriétaires, intéressés au succès d’une telle méthode, proposèrent à Argand de se rendre à Montpellier, et sous la direction du trésorier de la province, M. de Joubert, d’y faire l’essai de son système de distillation. On lui promettait, en cas de succès, la formation d’une association de capitalistes, pour mettre en pratique ses procédés pour la distillation.

Argand, ayant accepté ces offres, partit pour Montpellier, le 20 mars 1780. Il fit venir près de lui l’un de ses deux frères, nommé Jean, et ils essayèrent ensemble chez M. de Joubert, dans le village de Calvisson, près de Montpellier, la nouvelle méthode de distillation des vins, pour en retirer l’eau-de-vie.

Ce premier essai ayant parfaitement réussi, les deux frères furent appelés à répéter plus en grand la même expérience, dans un autre domaine de M. de Joubert, à Valignac. Ils y passèrent les années 1781 et 1782.

L’Académie royale des sciences de Mont-

  1. Les détails qui vont suivre sont tirés d’une biographie d’Argand publiée à Genève par M. Th. Heyer, sous ce titre : Ami Argand, inventeur des lampes à courant d’air ; notice lue à la classe d’industrie et de commerce de la Société des arts de Genève, et extraite du Bulletin de cette société (in-8, Genève, 1861).