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analogues au cannel-oil et les schistes bitumineux. Elle produisit de l’huile de kérosène, ainsi nommée en raison de sa limpidité et de son absence presque complète d’odeur. Ce liquide était vendu en Amérique à des prix qui variaient entre 75 centimes et 1 franc 10 centimes le litre.

Bientôt l’Angleterre vint jouer un rôle important dans la même entreprise industrielle. On savait qu’il existe dans l’Inde, sur les bords de la rivière Irawaddy, une étendue considérable de terrains tellement imprégnés de bitume, qu’il suffit d’y creuser un trou, pour qu’au bout d’un certain temps on trouve ce trou rempli d’huile. L’empereur des Birmans exploitait seul ces richesses, et il y procédait avec une intelligence médiocre ; de sorte que la plus grande partie de ce précieux liquide restait sans valeur. Vers 1845 les Anglais prirent la direction de ces travaux. Ils perfectionnèrent les moyens d’extraction de l’huile, l’exportèrent en Europe, et bientôt 100 000 litres d’huile de Rangoun furent annuellement introduits en Angleterre. Là on les distillait, pour les répandre sur tous les marchés de l’Europe. La paraffine est, comme nous l’avons dit dans l’histoire de la bougie stéarique, l’un des produits importants que l’on retire aujourd’hui du pétrole de Rangoun.

M. le colonel Serres, qui a parcouru, en 1857, les régions de l’empire birman d’où l’on tire ce bitume, nous donnait en ces termes, dans une lettre qu’il voulut bien nous adresser, en 1860, des renseignements de visu sur les lieux d’extraction de cette substance :

« Chargé par l’Empereur d’une mission auprès de S. M. Birmane en 1857, j’ai eu occasion de visiter ces puits situés à Jenhan-Ghaun, sur la rive gauche de l’Irawaddy.

« De Rangoun à la frontière birmane, j’ai dû employer 20 jours pour remonter le fleuve et 5 jours pour atteindre Jenhan-Ghaun ; total 25 jours de Rangoun aux puits.

« Des bords du fleuve aux premiers puits on compte 3 milles environ. Le terrain, que j’ai parcouru, se ressent des convulsions de la nature. La végétation y est nulle et la terre semble brûlée. On y remarque pourtant de nombreux cactus qui y atteignent la proportion d’arbres par leur croissance.

« On arrive aux puits au moyen d’une route tracée par les sillons de 250 chars attelés de bœufs qui transportent l’huile au rivage. Cette huile est retirée des puits par des moyens tout à fait primitifs, et comme il faut aller la chercher jusqu’à 200 pieds de profondeur, vous pouvez calculer le temps perdu. À sa sortie de terre elle est très-chaude. Elle ressemble à du goudron liquide, sa couleur est verdâtre ; son odeur est âcre.

« J’ai entretenu plusieurs fois l’empereur des Birmans de tout le parti qu’il pourrait tirer de ce produit dont l’a doté la nature. Mais, malgré mes conseils, l’empereur fera ce que l’on fait depuis trois siècles, c’est-à-dire qu’il vendra ses huiles presque pour rien à des gens qui, encore, ne le payent pas. C’est le caractère du pays, et il faudrait bien des circonstances pour le changer malgré les efforts que se donnent quelques chevaliers d’industrie. »

Cependant le moment était arrivé où une découverte d’une importance sans égale, un événement économique de la plus haute portée, allait s’accomplir en Amérique. Nous voulons parler de la mise au jour des sources innombrables d’huile de pétrole, que l’on devait faire jaillir du sol du Nouveau-Monde, comme une fée, en frappant du pied la terre, en fait sortir toutes les richesses que l’imagination peut rêver.

L’huile de pétrole, d’après tout ce que l’on a lu dans les récits qui précèdent, était loin d’être une substance inconnue en Amérique. À l’époque de la découverte du Nouveau-Monde par les Espagnols, les indigènes employaient, comme nous, le pétrole à des usages médicinaux. Les sources les plus renommées étaient celles que l’on trouve encore aujourd’hui sur les bords du lac Seneca. De là était venu le nom d’huile de Seneca, que l’on donnait alors au pétrole, nom que ce liquide a d’ailleurs conservé, en Amérique, jusqu’à ces dernières années.

Les Peaux rouges qui habitaient le Canada, durent communiquer leurs croyances dans les vertus médicinales du pétrole, aux