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Nous avons décrit l’ensemble des procédés qui servent à l’extraction du gaz de l’éclairage au moyen des diverses substances qui peuvent s’appliquer à sa préparation. Nous n’avons pas besoin d’ajouter que le gaz de la houille est aujourd’hui presque le seul en usage. Le gaz de l’huile et celui de la résine se préparent dans un petit nombre d’usines, et le gaz extrait de l’eau est d’un prix de revient trop élevé pour avoir pris de l’extension. En Angleterre, en France, en Allemagne et en Belgique, le gaz de la houille est à peu près le seul employé.


CHAPITRE XXIII

le gaz portatif.

Il nous reste à dire quelques mots du gaz portatif.

Dans les premières années de l’emploi du gaz, on redoutait beaucoup les frais considérables qu’entraîne la canalisation, c’est-à-dire la distribution du gaz au moyen de canaux souterrains ; on craignait de ne jamais couvrir les dépenses que nécessitaient la pose et l’achat des tuyaux. On eut donc l’idée de réduire le gaz à un petit volume, en le comprimant, à une pression considérable, dans des réservoirs susceptibles d’être transportés. Mais les désavantages de ce système ne tardèrent pas à se manifester. La difficulté de comprimer le gaz à trente atmosphères, sans amener de fuites, l’impossibilité d’obtenir, pendant la combustion, un écoulement de gaz constant, de manière que les dimensions de la flamme restassent les mêmes, enfin le danger qui résultait de l’emploi de ces appareils, obligèrent d’y renoncer. Le chimiste anglais, Faraday, a prouvé, d’ailleurs, que la compression du gaz de l’éclairage donne naissance à divers carbures d’hydrogène liquides, qui se forment aux dépens du gaz lui-même, et amènent ainsi une perte notable de produit. On a donc bien vite renoncé à ces fortes pressions.

M. Houzeau-Muiron, de Reims, a eu l’idée de transporter à domicile le gaz non comprimé. On renfermait le gaz dans des voitures immenses, et fort laides, composées de tôle mince, et contenant de grandes outres élastiques, munies d’un robinet et d’un tuyau. Quand il s’agissait de distribuer le gaz au consommateur, le conducteur de la voiture faisait agir une petite manivelle placée à l’extérieur ; la manivelle serrait des courroies qui comprimaient l’outre, et chassaient le gaz dans le gazomètre du particulier.

Ce système a été quelque temps adopté à Rouen, à Marseille, à Sedan, à Reims et à Paris. Il ne présente cependant aucun avantage particulier. Le réservoir de gaz comprimé dont chaque consommateur devait être muni, occupait une grande place, et l’écoulement du gaz était difficile à régler.

Le gaz non comprimé ne peut présenter, sous le rapport économique, aucune supériorité sur le système établi pour le gaz de la houille, lequel, chassé dans les tuyaux, sous une faible pression, ne coûte aucuns frais de transport. M. Dumas a dit, avec raison, à ce propos, dans son Traité de chimie : « L’économie revient à peu près à celle qu’on pourrait attendre en remplaçant par des porteurs d’eau les tuyaux principaux de conduite que l’on établit à grands frais dans toutes les rues. »

Le gaz portatif non comprimé avait beaucoup d’autres inconvénients. Il fallait d’abord trouver chez l’abonné, un emplacement convenable pour le gazomètre, ce qui était toujours difficile, vu ses grandes dimensions. Le consommateur n’était pas sans inquiétude pour l’incendie, avec cette masse considérable de gaz tenu en provision dans une habitation privée. La compagnie éprouvait de grandes difficultés ou de véritables pertes, lorsque, pour une raison quelconque, elle avait à interrompre cet éclai-