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velle manière d’éteindre les incendies, avec plusieurs autres inventions utiles à la ville de Paris. Poussant plus loin encore les services qu’il veut rendre à l’édilité parisienne, Moitrel d’Élément, dans son chapitre intitulé : Moyen pour que les chandelles des lanternes restent toujours allumées malgré la pluie, la neige et les grands vents, nous apprend qu’il a découvert le moyen de prévenir ces fraudes coupables ; mais, réflexion faite, il préfère en réserver le secret, de peur que le public n’en abuse.

C’était d’ailleurs un homme fertile en expédients utiles que ce Moitrel d’Élément, et son imagination n’était jamais à bout quand il s’agissait de rendre service à la ville de Paris, dont il avait « l’honneur d’être natif. » Voici la liste abrégée de ses inventions, rapportées à la fin de sa brochure :

« 1o Nouvelle construction de bornes qui ne rompront point les essieux de carrosses, ni ne pourront les accrocher ;

« 2o La manière de faire parler les cloches, c’est-à-dire qu’au lieu de les user à incommoder le public, on ne les sonneroit que très peu, ce qui suffiroit pour faire entendre tout ce qu’on voudrait, même le nom de la fête, la qualité de la personne morte, et tous autres sujets pour lesquels on sonne ordinairement ;

« 3o Moyen sûr pour qu’il n’y ait point de pauvres mendiants dans le royaume, principalement à Paris, et avoir une parfaite connaissance des mauvais pauvres et libertins qui viennent s’y réfugier pour s’abandonner à plusieurs mauvaises choses ;

« 4o Cadran d’horloge, fort commode et très curieux, pour connaître les heures d’une lieue de loin aux grosses horloges des églises ; d’un bout à l’autre d’une longue galerie aux pendules ordinaires ; et d’un côté à l’autre d’une grande chambre aux montres de poche ; c’est-à-dire qu’on connaîtroit les heures de quatre fois plus loin qu’à l’ordinaire ;

« 5o Moyen facile et extraordinaire pour raser la montagne qui borne la vue des Tuileries[1]. »

Jusqu’à la fin du xviie siècle, Paris fut la seule ville de France où il existât un éclairage public ; il fut établi après cette époque, dans les autres villes du royaume. Au mois de juin 1697, un édit royal, « considérant que de tous les embellissements de Paris il n’y en avait aucun dont l’utilité fût plus sensible et mieux reconnue que l’éclairage des rues, ordonne que, dans les principales villes du royaume, pays, terres et seigneuries, dont le choix serait fait par le roi, il serait procédé à l’établissement des lanternes conformément à Paris. » Ces lanternes, comme celles dont la forme venait d’être adoptée à Paris, avaient vingt pouces de haut sur douze de large. Elles renfermaient une chandelle de suif, et étaient posées au milieu des rues, sur un poteau, à une distance de cinq à six toises l’une de l’autre.

L’éclairage public de la capitale demeura à peu près tel que l’avait institué La Reynie, jusqu’à l’année 1758, époque à laquelle le roi ordonna qu’il fût posé des lanternes dans toutes les rues de la ville et faubourgs de Paris où l’on n’en avait pas encore établi. L’arrêt du 9 juillet 1758, qui prescrivit cette mesure, délivra en même temps les bourgeois de l’obligation à laquelle ils étaient assujettis pour l’entretien de l’éclairage : les dépenses de ce service furent portées à la charge de l’État.

Les réverbères à chandelle que La Reynie avait fait établir dans presque toutes les rues de la capitale, firent fortune. Les bons bourgeois s’amusaient beaucoup à les voir, dès que la sonnette du veilleur en avait donné le signal, s’élever, éclairés d’une grosse chandelle, faisant briller sur leurs parois l’image d’un coq, symbole de la vigilance (fig. 5).

Pourtant l’éclairage des rues n’était pas jugé suffisant par tout le monde, car les éclaireurs publics établis par Laudati de Ca-

  1. C’est le même physicien que M. Hœfer, dans son Histoire de la chimie (tome II, page 340), cite comme ayant le premier trouvé le moyen et enseigné la manière de manier les gaz. La petite brochure, aujourd’hui très-rare, dans laquelle Moitrel d’Élément décrit les expériences à faire sur les gaz, ou plutôt sur l’air, a pour titre : La manière de rendre l’air visible et assez sensible pour le mesurer par pintes, ou par telle autre mesure que l’on voudra ; pour faire des jets d’air qui sont aussi visibles que des jets d’eau. Cette brochure fut réimprimée en 1777, dans la seconde édition, publiée par Gobet dans les Anciens Minéralogistes, de l’ouvrage de Jean Rey sur la pesanteur de l’air.