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blit dans le quartier de Westminster trois grands ateliers d’éclairage. Plusieurs autres usines s’élevèrent bientôt, par les soins de la même Compagnie, dans les faubourgs de Londres et dans plusieurs villes de la Grande-Bretagne. Enfin l’éclairage par le gaz prit en quelques années un tel développement en Angleterre, qu’en 1823 il existait à Londres plusieurs compagnies puissantes, et que celle de Winsor avait déjà posé à elle seule, sous le pavé des rues, un réseau de cinquante lieues de tuyaux.


CHAPITRE XIX

winsor importe en france l’éclairage au gaz extrait de la houille. — opposition générale contre ce nouveau système d’éclairage. — luttes et progrès de la nouvelle industrie.

La faveur qui commençait à accueillir en Angleterre, le gas-light inspira à Winsor la pensée de transporter en France cette industrie. Mais il devait rencontrer parmi nous les mêmes obstacles, et soutenir les mêmes luttes dont il avait triomphé dans son pays. Comme il y a un enseignement utile à retirer de ces faits, nous allons rappeler les circonstances principales de l’opposition, presque universelle, que rencontrèrent en France les débuts de l’éclairage au gaz. On va voir de quels obstacles fut hérissée, dans notre pays, la route de cette précieuse et utile invention.

Winsor vint à Paris en 1815. La rentrée de l’Empereur et les troubles des Cent-jours apportèrent un premier obstacle à ses projets. Ce ne fut que le 1er décembre 1815 qu’il put obtenir le brevet d’importation qu’il avait demandé. Lorsqu’il s’occupa ensuite de mettre sérieusement ses vues en pratique, il trouva à Paris une résistance générale, et qui aurait été de nature à déconcerter un homme moins habitué que lui à combattre les préjugés publics. Beaucoup de savants et d’industriels de Paris entreprirent contre les idées de l’importateur du gaz, une croisade, que nous voudrions pouvoir dissimuler ici. Ce qui rend moins excusables encore ces discussions, qui durèrent plusieurs années, c’est le peu de valeur des arguments qu’on invoquait. On prétendait que les houilles du continent seraient tout à fait impropres à la production du gaz, assertion dont la pratique ne tarda pas à démontrer l’erreur. On ajoutait que l’introduction du gaz porterait à l’agriculture française un dommage considérable, en ruinant l’industrie des plantes oléagineuses. Tous les principes de l’économie publique faisaient justice de cette dernière appréhension. Clément Désormes, manufacturier pourtant fort instruit, alla jusqu’à avancer que le gaz de l’éclairage ne pourrait jamais être adopté en France, en raison des dangers auxquels il expose. Les gens de lettres eux-mêmes se mettaient de la partie, et Charles Nodier se fit remarquer, parmi ces derniers, par la vivacité de ses attaques.

Pour combattre les préventions que jetait dans le public la résistance des savants, Winsor pensa qu’il était nécessaire de parler d’abord à l’esprit. Voulant ramener à lui l’opinion et rectifier des faits dénaturés, il publia en 1816, une traduction du Traité de l’éclairage au gaz que l’Anglais Accum venait de faire paraître, augmenté, comme il est dit sur le frontispice, par F.-A. Winsor, auteur du système d’éclairage par le gaz en Angleterre, fondateur de la Compagnie royale de Londres, et breveté par Sa Majesté pour l’emploi de ce système en France. Cependant cet ouvrage ne réussit qu’à demi à dissiper des erreurs trop fortement accréditées.

N’ayant pu convaincre en s’adressant à l’esprit, Winsor se décida à parler aux yeux. Il fit, à ses frais, un petit établissement, et donna un spécimen du nouvel éclairage dans un salon du passage des Panoramas. Cette