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préventions de la commission, et la Compagnie fut obligée de construire, à grands frais, de petits gazomètres, entourés de gros murs.

Du reste, dès l’origine de l’éclairage au gaz, on avait conçu de vives craintes contre les gazomètres de grande dimension. C’est ainsi que dans le Collège catholique de Stonghurst, dont nous avons parlé plus haut, la capacité du gazomètre était seulement de 28 mètres cubes. Le supérieur du collège complimenta Samuel Clegg sur la réussite de son appareil ; seulement il l’engagea à diminuer les dimensions du gazomètre. Il trouvait la capacité de 28 mètres cubes imprudente, et insista beaucoup pour qu’on fît usage de deux gazomètres de 14 mètres cubes chacun. On était loin, on le voit, de la dimension des gazomètres actuels, qui mesurent 10 000 mètres cubes, et peuvent atteindre jusqu’à 25 000 mètres cubes.

À la fin de 1813, une explosion eut lieu dans l’usine de Westminster. Elle fut causée par le gaz qui s’échappa d’un épurateur placé dans le voisinage des ateliers de distillation, et qui vint s’enflammer au foyer des cornues. Les fenêtres des maisons voisines volèrent en éclats, et Samuel Clegg fut gravement blessé. Cet événement, qui impressionna beaucoup le public, vint justifier les appréhensions générales.

Le 31 décembre 1813, le pont de Westminster fut éclairé au gaz. Ce spectacle amusa beaucoup les promeneurs ; mais les craintes persistaient dans l’esprit de tout le monde. Souvent les allumeurs refusaient de remplir leur office. Ils craignaient de provoquer, en mettant le feu dans les lanternes, une explosion, dont ils seraient les victimes ; de sorte que Samuel Clegg fut obligé, pendant plusieurs soirs, d’aller lui-même allumer les réverbères sur le pont de Westminster.

Les autorités de la paroisse de Sainte-Marguerite, à Westminster, furent les premières qui firent un marché pour l’éclairage de leurs rues. Le 1er avril 1814, les vieilles lampes à huile furent mises de côté, et remplacées par de brillants becs de gaz. Des centaines d’individus suivaient les allumeurs, pour les voir faire. À cette époque, on se servait alors de torches pour l’allumage ; on leur substitua plus tard la lanterne à main, inventée par Grafton.

Pendant longtemps, il fut impossible de vaincre le préjugé des propriétaires des maisons contre les candélabres appliqués aux murs. Beaucoup de discussions et de débats eurent lieu entre la Compagnie du gaz et les autorités de la paroisse de Sainte-Marguerite, pour obtenir la permission de placer des candélabres contre les murs des maisons.

Quand la « Chartered Company gas », c’est-à-dire la Compagnie du gaz autorisée par charte royale, eut vaincu les principales difficultés, et que les oppositions contre l’usage du gaz furent un peu apaisées, d’autres compagnies se formèrent, pour construire des usines dans différentes villes de l’Angleterre. Samuel Clegg dirigea les travaux pour l’éclairage de Bristol, Birmingham, Chester, Kidderminster et Worcester.

Les illuminations qui furent faites à Londres, pour célébrer la paix de 1814, donnèrent une occasion solennelle d’étaler à tous les yeux le spectacle du gaz. Les décors, motifs et devises en becs de gaz, surpassèrent, par leur splendeur, tout ce qu’on avait vu jusque-là. Le principal sujet d’illumination figurait une pagode, qui fut dressée dans le parc de Saint-James. Elle avait 20 pieds de haut, et devait présenter l’aspect d’une masse de feu. Malheureusement, un feu d’artifice placé dans le voisinage, et que l’on avait cru devoir essayer la veille, enflamma la carcasse de la pagode, la mit hors d’usage, et dans la soirée de la fête l’illumination par le gaz ne put s’effectuer. Cet accident donna de nouvelles armes aux adversaires de l’éclairage au gaz. Le lendemain, on faisait circuler le bruit que le gaz avait mis le feu à la pagode, et il fut impossible de détruire com-