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annoncer sa découverte au public. Ce mémoire, que nous avons sous les yeux, et qui se compose de douze pages d’impression in-quarto, présente un grand intérêt, comme retraçant la première tentative pratique de l’éclairage au gaz. Il a pour titre : Thermolampes, ou poêles qui chauffent et éclairent avec économie et offrent avec plusieurs produits précieux, une force motrice applicable à toutes sortes de machines. L’auteur y expose sans emphase, et avec un accent de sincérité qui est un sûr garant de la force de ses convictions, les résultats avantageux que sa découverte doit assurer au public :

« Il est pénible, dit-il, et je l’éprouve en ce moment, d’avoir des effets extraordinaires à annoncer ; ceux qui n’ont point vu, se récrient contre la possibilité ; ceux qui ont vu, jugent souvent de la facilité d’une découverte par celle qu’ils ont à en concevoir la démonstration. La difficulté est-elle vaincue, avec elle s’évanouit le mérite de l’invention ; au reste, j’aime mieux détruire toute idée de mérite, plutôt que de laisser subsister la plus légère apparence de mystère ou de charlatanisme. »

Lebon énumère ensuite les avantages que doit présenter, sous le double rapport de l’éclairage et du chauffage, l’emploi du gaz inflammable obtenu par la distillation du bois :

« Ce principe aériforme, nous dit-il, est dépouillé de ces vapeurs humides, si nuisibles et désagréables aux organes de la vue et de l’odorat, de ce noir de fumée qui ternit les appartements. Purifié jusqu’à la transparence parfaite, il voyage dans l’état d’air froid, et se laisse diriger par les tuyaux les plus petits comme les plus frêles ; des cheminées d’un pouce carré, ménagées dans l’épaisseur du plâtre des plafonds ou des murs, des tuyaux même de taffetas gommé, rempliraient parfaitement cet objet. La seule extrémité du tuyau, qui, en livrant le gaz inflammable au contact de l’air atmosphérique, lui permet de s’enflammer et sur lequel la flamme repose, doit être de métal.

« Par une distribution aussi facile à établir, un seul poêle peut dispenser de toutes les cheminées d’une maison. Partout le gaz inflammable est prêt à répandre immédiatement la chaleur et la lumière, les plus vives ou les plus douces, simultanément ou séparément suivant vos désirs : en un clin d’œil, vous pouvez faire passer la flamme d’une pièce dans une autre ; avantage aussi commode qu’économique, et que ne pourront jamais avoir nos poêles ordinaires et nos cheminées. Point d’étincelles, point de charbons, point de suie qui puissent vous inquiéter, point de cendres, point de bois qui salissent l’intérieur de vos appartements, ou exigent des soins. Le jour, la nuit, vous pouvez avoir du feu dans votre chambre sans qu’aucun domestique soit obligé d’y entrer pour l’entretenir, ou surveiller ses effets dangereux. Rien ici, pas même la plus petite portion d’air inflammable, ne peut échapper à la combustion ; tandis que, dans nos cheminées, des torrents s’y dérobent, et même nous enlèvent la plus grande partie de la chaleur produite. Quelle abondance d’ailleurs de lumière ! Pour vous en convaincre, comparez un instant le volume de la flamme de votre foyer à celle de votre flambeau. La vue de la flamme récrée, celle des thermolampes a surtout ce mérite ; douce et pure, elle se laisse modeler et prend la figure de palmettes, de fleurs, de festons. Toute position lui est bonne : elle peut descendre d’un plafond sous la forme d’un calice de fleurs, et répandre, au-dessus de nos têtes, une lumière qui n’est masquée par aucun support, obscurcie par aucune mèche, ou ternie par la moindre nuance de noir de fumée. Sa couleur, naturellement si blanche, pourrait aussi varier et devenir ou rouge, ou bleue, ou jaune : ainsi cette variété de couleurs, que des jeux du hasard nous offrent dans nos foyers, peut être ici un effet constant de l’art et du calcul…

« Pourrait-on ne pas aimer le service d’une flamme si complaisante ? Elle ira cuire vos mets, qui, ainsi que vos cuisiniers, ne seront point exposés aux vapeurs du charbon ; elle réchauffera ces mêmes mets sur vos tables, séchera votre linge, chauffera vos bains, vos lessives, votre four, avec tous les avantages économiques que vous pouvez désirer. Point de vapeurs humides ou noires, point de cendres, de braises qui salissent et s’opposent à la communication de la chaleur, point de perte inutile de calorique ; vous pouvez, en fermant une ouverture qui n’est plus nécessaire pour introduire le bois dans votre four, comprimer et coërcer des torrents de chaleur qui s’en échappaient. »

Lebon termine en annonçant qu’il veut soumettre au public, le seul juge dont il recherche le témoignage et l’approbation, les avantages de sa découverte. À cet effet, il annonce que sa maison sera ouverte une fois par décade au public, moyennant un droit d’entrée.

« Ce moyen, dit-il, n’est aujourd’hui à ma disposition qu’après de nombreux sacrifices : c’est avec