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maison de son père, il bâtit un petit appareil en briques, qu’il remplit de bois, et qu’il chauffa fortement, au moyen d’un fourneau placé par-dessous cette espèce de cornue. Un tuyau était ménagé, pour recueillir les vapeurs et les gaz dégagés du bois. Ce tuyau arrivait dans une cuve pleine d’eau, qui s’élargissait de manière à former une sorte de gazomètre. Par l’action de la chaleur, le bois se carbonisait ; les vapeurs et les gaz provenant de sa décomposition, une fois parvenus dans la cuve d’eau, se purifiaient, en abandonnant le goudron et l’acide pyroligneux. À la sortie de cette cuve, le gaz était assez pur pour donner une lumière très-vive, ce qui faisait espérer un véritable succès après une épuration plus complète.

Ayant fait ce premier pas dans une carrière aussi nouvelle, Philippe Lebon revint à Paris, et communiqua ses idées à Fourcroy, qui l’engagea à persévérer dans ses études. Il fit ses premières expériences sérieuses dans la maison qui lui appartenait et qu’il occupait rue et île Saint-Louis, en face de l’hôtel de Bretonvilliers. C’est là qu’il recevait les visites et les conseils de Fourcroy, de Prony et d’autres savants de cette époque. Il fut amené à faire des dépenses considérables pour perfectionner son invention. En l’an VII, ses expériences étaient assez avancées pour qu’il pût lire à l’Institut un mémoire sur ses travaux.

L’année suivante Lebon demanda un brevet d’invention, qui lui fut accordé le 6 vendémiaire an VIII (28 septembre 1799). Il est bon de dire que les brevets d’invention ne s’accordaient pas alors, comme aujourd’hui pour des objets insignifiants. Un examen sérieux présidait aux demandes des inventeurs, de sorte qu’un brevet était un titre sérieux et réel. Le brevet accordé à Philippe Lebon, est inséré dans le Recueil des brevets d’invention (tome V, p. 121). Il est délivré « pour de nouveaux moyens d’employer les combustibles plus utilement, soit pour la chaleur, soit pour la lumière, et d’en recueillir les différents produits. »

Dans la description qui accompagne ce brevet, l’inventeur établit qu’en distillant du bois on obtient « du gaz hydrogène dans un état de pureté plus ou moins grande, suivant les moyens employés pour le purifier, des acides, de l’huile et divers produits analogues aux combustibles qui se réduisent en charbon. »

Après avoir indiqué les divers genres d’applications que peut recevoir le thermolampe, Lebon ajoute les réflexions suivantes :

« Je ne parle pas des effets que l’on pourrait obtenir en appliquant encore la chaleur produite aux chaudières de nos machines à feu ordinaires, ni des applications sans nombre de la force qui se déploie dans ces nouvelles machines. Tout ce qui est susceptible de se faire mécaniquement est l’objet de mon appareil, et la simultanéité de tant d’effets précieux rendant la dépense proportionnellement très-petite, le nombre possible d’applications économiques devient infini. Dans les forges on néglige et l’on perd tout le gaz inflammable, qui offre cependant des effets de chaleur et de mouvement si précieux pour ces établissements. La quantité de combustible que l’on y consomme est si énorme, que je suis persuadé qu’en le diminuant considérablement, on pourrait, en suivant les vues que j’indique, non-seulement obtenir les mêmes effets de chaleur, mais même donner surabondamment la force que l’on emprunte du cours d’eau, souvent éloigné des forêts et mines, et dont la privation donne lieu, dans les sécheresses, à des chômages d’autant plus nuisibles qu’ils laissent sans travail une classe nombreuse d’ouvriers. En général, tous les établissements qui ont besoin de mouvement, ou de chaleur, ou de lumière, doivent retirer quelque avantage de cette méthode d’employer le combustible à ces effets.

« Cependant le plus grand nombre des applications du thermolampe devant avoir pour objet de chauffer et d’éclairer, je vais les considérer particulièrement sous ce point de vue.

« La forme des vases dans lesquels le combustible est soumis à l’action décomposante du calorique peut varier à l’infini, suivant les circonstances, les besoins et les localités. Je me contenterai d’indiquer quelques dispositions qui me paraissent intéressantes à connaître, et qui d’ailleurs donneront une idée de la multiplicité des formes dont ces vases sont susceptibles. »