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jaunes ou verts, c’est-à-dire aux rayons moyens du spectre.

Voici comment opère M. Niépce pour obtenir des reproductions de gravures coloriées. Il prépare, avec une quantité convenable de chlorure de fer ou de cuivre, une dissolution, dans laquelle il immerge, pendant huit à dix minutes, une plaque de cuivre argentée ; cette plaque se recouvre de chlorure d’argent, par suite de la réaction du chlorure sur le métal. Chauffée légèrement, au sortir du bain, à la flamme d’une lampe à esprit-de-vin, elle est propre à recevoir l’image colorée. Si l’on applique, en effet, contre cette lame métallique, une de ces gravures sur bois grossièrement enluminées que le commerce fournit à bas prix, et qu’on expose le tout à l’action directe du soleil, au bout d’un quart d’heure la gravure se trouve reproduite sur le métal, avec des teintes qui ne s’éloignent pas trop de celles du modèle.

Le fait découvert par M. Niépce, de la reproduction spontanée de certaines couleurs, offre beaucoup d’intérêt ; cependant il ne faudrait pas vouloir en pousser trop loin les conséquences, ni prétendre qu’il doive conduire à la reproduction photogénique des couleurs. De graves considérations, empruntées aux principes les mieux établis de la physique, démontreraient sans peine la proposition contraire. Ces considérations, nous les présenterons en peu de mots.

L’image colorée que l’on obtient sur le chlorure d’argent n’est point le résultat final de l’action chimique de la lumière, ce n’est qu’une période, qu’un degré transitoire de cette action. Si l’influence des rayons lumineux continue de s’exercer, les couleurs primitivement obtenues ne tardent pas à disparaître, et la plaque revêt, dans toutes ses parties, une teinte uniforme. Aussi, pour conserver intacte cette impression colorée, faut-il, en quelque sorte, la saisir au passage, arrêter à un certain moment l’exposition à la lumière, et conserver ensuite dans un lieu obscur, la plaque ainsi modifiée. Si on l’abandonnait plus longtemps à l’action des rayons lumineux, le chlorure d’argent continuerait de s’altérer, et tout disparaîtrait. Pour rendre permanente l’impression colorée, il faudrait donc posséder un moyen de la fixer, comme on fixe l’image ordinaire du daguerréotype sur plaque. Mais ici les difficultés naissent en foule. En effet, la matière à laquelle on pourrait recourir pour fixer les couleurs formerait, à la surface de la plaque, une couche qui serait ou translucide ou opaque. Si la couche était translucide, la lumière, la traversant, irait agir sur l’image, et, par son action chimique, détruirait en quelques instants ses couleurs. Si la couche fixante était opaque, elle ne pourrait reproduire les teintes de l’image primitive qu’à la condition de revêtir, aux différents points de la plaque, des tons correspondants aux parties de l’image photogénée qu’elle recouvrirait. On voit à quelles impossibilités on se trouve conduit par là. Il ne faut point oublier, en effet, que dans les images obtenues sur plaque par les procédés de Daguerre, rien ne subsiste de la substance primitive qui a reçu l’impression de la lumière ; les différents composés dont on a fait usage, l’iodure, le bromure d’argent que la lumière a modifiés, sont remplacés par un dépôt de mercure, de telle manière que les sels d’argent n’ont servi que d’intermédiaire, et qu’en fin de compte et toutes les manipulations terminées, il ne reste plus sur la plaque daguerrienne que du mercure et de l’argent. De même, sur une épreuve positive de photographie sur papier, il ne reste plus qu’une couche inaltérable d’argent métallique. Ce sont des opérations du même genre qu’il faudrait pouvoir accomplir pour rendre permanentes les images colorées de M. Niépce de Saint-Victor. Mais rien jusqu’à ce moment n’a donné l’espoir d’atteindre un tel résultat.

Une seconde considération concourt à enlever beaucoup de leur valeur pratique aux faits observés par M. Niépce de Saint-Victor. On