Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 3.djvu/741

Cette page a été validée par deux contributeurs.
Fig. 603. — Açon, ou pirogue de marais.


points de l’Océan. Or Walton remarqua que la progéniture des Moules venait s’attacher à la partie submergée des piquets qui soutenaient son filet. Il se convainquit aisément que les Moules ainsi suspendues à une certaine hauteur au-dessus de la vase, devenaient plus grosses et plus agréables au goût que celles qui étaient ensevelies sous l’eau vaseuse.

L’exilé irlandais vit dans cette première observation, les éléments d’une sorte de culture de Moules, qui pouvait devenir un jour l’objet d’une grande exploitation. Il résolut de consacrer tous ses efforts à la création de cette industrie.

« Les pratiques qu’il institua, dit M. Coste, furent si heureusement appropriées aux besoins permanents de la nouvelle industrie, qu’après bientôt huit siècles elles servent encore de règle aux populations dont elles sont devenues le riche patrimoine. Il semble qu’en s’appliquant à cette entreprise, non-seulement il avait la conscience du service qu’il rendait à ses contemporains, mais le désir que leurs descendants en conservassent le souvenir, car il donna aux appareils qu’il inventa la forme d’un W, lettre initiale de son nom, comme s’il eût voulu que son chiffre fût inscrit sur tous les points de cette vasière, fertilisée par son génie, en attendant sans doute que la reconnaissance publique élevât un monument à la mémoire du fondateur[1].

Walton dessina donc, au niveau des basses marées, un double V, dont les sommets étaient tournés vers la mer, et dont les côtés, prolongés d’environ 200 mètres vers le rivage, s’écartaient de manière à former un angle d’environ 45 degrés. Le long de chacun des côtés de cet angle, il planta, à la distance d’environ 1 mètre les uns des autres, des pieux de 1 mètre de hauteur, qu’il enfonça à moitié dans la vase, et dont il remplit les intervalles avec des branchages.

Cet appareil reçut le nom de bouchot, nom fait, par contraction, de bout-choat, expression dérivée d’un mélange de celte et d’irlandais, et signifiant clôture en bois (bout, clôture, et choat, bois).

À l’aide de cet appareil, Walton fit de magnifiques récoltes. Cependant il n’abandonna point pour cela les pieux isolés, dépourvus de fascines, qui, toujours submergés, arrêtent au moment du frai le naissain que le reflux entraîne, et sont destinés uniquement à servir de collecteurs de semences.

C’est avec l’açon, cette ingénieuse et simple pirogue qu’il avait inventée tout d’abord, que Walton put construire et surveiller son bouchot, et fournir, dès le printemps suivant, des Moules si bonnes et si

  1. Voyage d’exploration sur le littoral de la France et de l’Italie, 2e édition, in-4o, p. 134.