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frayante. Partout les bancs d’huîtres sont arrivés à un état de dépérissement qui menace de tarir la source de ce produit, dont l’exploitation fait vivre des milliers d’individus, et qui tient dans l’alimentation publique une place importante. L’élévation constante du prix des huîtres sur nos marchés, est la preuve suffisante de ce rapide épuisement des bancs producteurs. Les huîtres, qui, jusqu’à ces derniers temps, ne dépassaient pas, dans nos restaurants, le prix de 60 centimes la douzaine, se vendent aujourd’hui presque partout 1 fr. 20 centimes, et même 1 fr. 50 centimes, et ce renchérissement ne semble pas près de s’arrêter. En même temps que leur prix augmente dans cette proportion exorbitante, le volume des huîtres servies sur nos tables, va en diminuant. Et ce n’est pas pour flatter le goût du consommateur, que le marchand ne livre guère plus que de petites huîtres ; cela tient à ce que, les bancs s’épuisant de plus en plus, on est obligé d’arracher ces mollusques à leurs parcs, à une époque encore peu avancée de leur développement. Autrefois on choisissait dans ces bassins, les coquilles adultes, en laissant aux autres le temps de grossir et de se développer ; aujourd’hui, on recueille tout, au détriment de l’intérêt du vendeur et de celui du consommateur.

La rapide dépopulation des bancs d’huîtres tient au mode vicieux employé pour la pêche de ces mollusques. La drague qui sert à la pêche des huîtres, est un mode barbare, qui dévaste horriblement les bancs naturels. On ne se préoccupe que de perfectionner, de rendre plus meurtriers, pour ainsi dire, les instruments qui servent à arracher les huîtres des couches superficielles de leur gisement. On attaque avec la même et terrible puissance de destruction, ce qui est ancien et ce qui est nouveau ; car les couches superficielles que la drague vient labourer, sont précisément celles où croissent les jeunes.

Ce mode d’exploitation est si dangereux, que les gisements d’huîtres sont fatalement condamnés à la destruction. En arrachant à la fois les huîtres adultes et les jeunes, on anéantit la production future des bancs naturels.

En 1855, M. Coste attira pour la première fois sur cette question l’attention du Gouvernement. Il proposait d’employer, pour la multiplication des huîtres, les procédés suivis avec tant de succès dans le lac Fusaro, que nous avons décrits dans les premières pages de cette Notice.

« On pourrait, disait M. Coste, faire construire des charpentes alourdies par des pierres enchâssées à leur base, formées de pièces nombreuses, hérissées de pieux solidement attachés, armées de crampons, etc. À l’époque du frai, on descendrait ces appareils au fond de la mer pour les poser soit sur des gisements d’huîtres, soit autour d’eux. Ils y seraient laissés jusqu’à ce que la semence reproductrice en eût recouvert les diverses pièces, et des câbles indiqués à la surface par une bouée, permettraient de les retirer quand on le jugerait convenable. C’est ainsi que M, Coste propose de reconstituer les bancs ruinés, de relever ceux qui s’éteignent, d’en créer de nouveaux partout où les fonds seront propices, de manière à transformer le littoral de la France en une longue chaîne d’huîtrières. Des expériences faites dans l’Océan même, ont démontré la possibilité de recueillir la progéniture des huîtres. Des branchages posés sur les bancs de la Bretagne par MM. Mallet, sur les bancs de Marennes, par M. Ackermann, en ont été retirés au bout de quelques mois garnis de semences. »

Quant au mode d’exploitation des huîtrières, M. Coste proposait de les diviser par zones, de manière à ne revenir sur chacune d’elles que tous les deux ou trois ans, laissant reposer les unes pendant qu’on récolterait les autres.

En 1858, M. Coste renouvela cette proposition. Il demandait qu’on entreprît, aux frais de l’État, par les soins de l’administration de la marine, et au moyen de ses vaisseaux, l’ensemencement du littoral de la France, de manière à repeupler les bancs d’huîtres ruinés, à étendre ceux qui prospéraient, et à en créer de nouveaux partout où