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parti de ces eaux, pour y établir un vaste appareil d’éclosion artificielle.

Toutes les sources qui s’échappent du pied de la colline, sont encaissées dans un canal commun, de 1 200 mètres de long, qui conduit leurs eaux sous une sorte de hangar immense, construit à peu près sur le modèle de la gare d’un chemin de fer. Une élégante charpente y soutient, à une assez grande hauteur, un vitrage, qui sert à recouvrir et à abriter l’appareil à éclosion. Ce hangar est accompagné de trois pavillons : ceux des deux extrémités sont consacrés au laboratoire et au logement du garde, celui du milieu aux collections.

Les eaux du canal s’introduisent sous le hangar, par un tunnel de briques, dont l’ouverture extérieure est garnie d’une vanne, qui sert à régler le courant. À leur entrée, elles s’y divisent en sept ruisseaux parallèles, ayant seulement 1 mètre de large sur 40 mètres de long, qui traversent le hangar sur toute sa longueur, et viennent aboutir à des bassins particuliers qui doivent recevoir les poissons nouvellement éclos. Ces petits ruisseaux artificiels sont séparés les uns des autres, dans toute leur étendue, par des chemins profonds, où circulent librement les gardiens attachés au service de l’établissement. Les petits ruisseaux se trouvant ainsi à hauteur d’appui on peut constamment surveiller ce qui se passe dans les divers courants.

C’est dans l’intérieur de ces ruisseaux, où l’on entretient un courant d’eau continuel, condition indispensable à la conservation et au développement des germes, que l’on dépose les œufs préalablement soumis, dans le laboratoire, à l’opération de la fécondation artificielle. C’est là qu’ils doivent passer le temps de leur incubation. Ils sont déposés sur des claies, ou corbeilles plates en osier, que l’on maintient à une hauteur peu éloignée du niveau de l’eau, de manière à ce qu’elles restent toujours sous les yeux du gardien chargé de les surveiller. La position superficielle qu’on leur donne, rend l’observation et la surveillance extrêmement faciles. Si le courant chasse les œufs de manière à les entasser, le gardien les remet en place, et modère le courant. Si des sédiments nuisibles, des détritus apportés par les eaux, viennent à les recouvrir, il les enlève avec un pinceau. Enfin si le canevas végétal sur lequel ils reposent, est sali par un séjour trop prolongé dans l’eau, le gardien en opère le transbordement dans une claie de rechange, ainsi que nous l’avons décrit dans le chapitre précédent. La figure 587, que l’Année illustrée a publiée dans son numéro du 17 septembre 1868, et que nous empruntons à ce recueil, représente une vue intérieure et les ruisseaux artificiels qui servent à l’incubation des œufs dans l’établissement de Huningue.

Dans ces conditions artificielles les œufs se développent beaucoup plus sûrement que dans les conditions réalisées par la nature, car ici l’art intervient avec efficacité, pour écarter toutes les causes, si nombreuses, d’altération ou de destruction qu’ils rencontrent dans les milieux naturels.

Dès que le poisson est éclos, on le dirige dans le bassin où aboutit le ruisseau dans lequel il a pris naissance. C’est ici que les petites claies ou corbeilles d’osier qui servent de moyen de support aux œufs fécondés, vont rendre un nouveau service. On les enchâsse dans un cadre léger qui flotte à la surface de l’eau, et le courant les entraîne dans le bassin où le jeune poisson doit être parqué dès le premier moment de sa naissance.

Dans ce premier bassin, les jeunes poissons commencent à grandir ; mais leur nombre s’accroissant tous les jours, par suite des naissances qui se multiplient sous le hangar, ils ne pourraient plus tenir dans cet espace. On leur donne donc accès dans des bassins plus étendus, c’est-à-dire dans des viviers en plein air, établis dans les jardins qui entourent l’établissement. Là, une nourriture convenable leur permet de se transformer promptement en alevin.