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Un jeune physicien enlevé prématurément aux sciences, Taupenot, donna le moyen de communiquer aux plaques de verre recouvertes de collodion, la propriété de conserver pendant plusieurs jours leur sensibilité. Quand on opère avec le collodion, il faut agir extemporanément ; car la sensibilité de l’enduit disparaît au bout de peu de minutes, par sa dessiccation, ce qui prive le paysagiste et le photographe voyageur, de l’avantage d’emporter au loin, avec lui, des lames de verre collodionnées préparées d’avance. C’était là un grave inconvénient pour la pratique de la photographie. Taupenot a parfaitement obvié à cette difficulté en ajoutant au collodion ioduré un peu d’albumine. Grâce à cette addition, la plaque sèche conserve toute la sensibilité de la plaque humide, et on peut l’employer après plusieurs jours de préparation.

Il a été reconnu depuis, que le miel et quelques autres substances agglutinatives qui s’opposent au fendillement qu’éprouve par la dessiccation, la couche de collodion, produisent le même effet, c’est-à-dire permettent de conserver pendant plusieurs jours aux plaques collodionnées, leur sensibilité à la lumière.

Le collodion étendu sur une lame de verre, est donc le meilleur moyen que l’on possède aujourd’hui pour la production des négatifs. Le cliché négatif sur verre donne des images d’une finesse presque égale à celle de la plaque daguerrienne.


CHAPITRE VIII

travaux de m. poitevin ; découverte de l’action de la lumière sur les chromates mélangés de substances organiques. — applications de cette découverte à la gravure des photographies. — les émaux photographiques de m. lafon de camarsac.

Nous négligeons plusieurs perfectionnements de détail, — tels que la manière d’obtenir les épreuves positives directes, — l’artifice qui consiste à détacher du verre la couche de collodion transformée en positif direct, et à la rapporter sur toile ou sur papier, etc., — pour arriver à la découverte la plus importante qui ait été faite dans ces derniers temps. Nous voulons parler des observations de M. Auguste Poitevin concernant la modification chimique qu’éprouvent, par l’action de la lumière, les chromates, mélangés de substances gélatineuses ou albumineuses. Les découvertes de M. Poitevin ont donné le signal d’une foule d’applications nouvelles, et ont conduit, en particulier, à la solution du grand problème de la photographie, c’est-à-dire à la transformation des épreuves photographiques en gravures semblables aux gravures en taille-douce.

C’est en 1855 que M. Poitevin fit la découverte de la propriété que possèdent les matières gommeuses, gélatineuses, albumineuses, ou mucilagineuses, quand on les a mêlées avec du bichromate de potasse, et qu’on les a exposées à l’action de la lumière, de pouvoir prendre et retenir l’encre d’impression. Cette observation était fondamentale ; elle devint le signal d’une foule de recherches.

Elle donna d’abord le moyen de tirer des épreuves positives en excluant les sels d’argent. On n’a pas, en effet, tardé à reconnaître que les épreuves photographiques positives, quand elles ne sont pas tirées avec les soins nécessaires, surtout quand elles sont mal lavées et retiennent encore de l’hyposulfite de soude, s’altèrent, pâlissent, et finissent, au bout de quelques années, par disparaître en partie. De là le précepte théorique qui avait été posé, d’effectuer le tirage avec l’encre ordinaire d’impression, qui sert à tirer les gravures et les lithographies. Le fait découvert par M. Poitevin, de l’impressionnabilité d’un mélange de bichromate de potasse et de gélatine par la lumière, de telle sorte que la gélatine ainsi modifiée peut retenir l’encre d’imprimerie, vint répondre à cette indication de la théorie, et la gélatine chromatée fut appliquée au