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moment de son organisation. Quand elle prit le nom de Garde de Paris, M. Niépce de Saint-Victor reçut le grade de capitaine, et en 1854 celui de chef d’escadron.

En 1855 il fut appelé par l’Empereur, au poste de commandant du Louvre, où il continue de poursuivre ses travaux. Mais en acceptant ce poste de confiance, M. Niépce de Saint-Victor dut renoncer à son avancement dans l’armée et à une partie notable de son traitement, par suite d’une décision du ministre de la guerre, qui prescrit que les commandants des résidences impériales ne peuvent entrer en fonction qu’après avoir été mis en non-activité.

Grâce à ses nouvelles fonctions, M. Niépce de Saint-Victor trouve plus de loisirs qu’autrefois, pour s’adonner aux études concernant la photographie. Nous aurons souvent à citer son nom dans cette notice, particulièrement en ce qui concerne l’application de la photographie à la gravure et les essais de fixation des couleurs des images de la chambre noire. Mais son invention des négatifs sur verre a été l’une des plus utiles, en ce qu’elle a rendu à la photographie un service pratique d’une valeur incontestable. Malgré tous les progrès qu’a faits la photographie, tous les opérateurs s’en tiennent aujourd’hui à l’usage des clichés négatifs sur verre, dont M. Niépce de Saint-Victor eut le premier l’idée en 1848.

Cependant la préparation d’un cliché négatif sur verre avec l’albumine, est une opération assez délicate. Il faut que l’albumine soit étendue avec soin sur la glace, et séchée avec précaution. En outre, l’enduit albumineux a l’inconvénient de diminuer la sensibilité du sel d’argent à l’action de la lumière ; de telle sorte que, pour la rapidité d’impression, la glace albuminée laissait beaucoup à désirer.

On s’efforça donc de perfectionner ce procédé, en cherchant à diminuer le temps de l’impression lumineuse. Une heureuse découverte vint répondre, sous ce rapport, à tous les désirs des photographes.

Dans une brochure qui parut en janvier 1851, M. Gustave Le Gray annonçait avoir fait usage du collodion, pour remplacer l’albumine, dans la photographie sur verre ; mais il ne donnait aucun renseignement sur son mode d’emploi. Pendant la même année, un photographe de Londres, M. Archer, publia une description très-complète des procédés et moyens qui sont nécessaires pour faire usage du collodion en photographie. Les procédés publiés par M. Archer furent aussitôt mis en pratique, et l’on reconnut promptement toutes les ressources que cette matière nouvelle fournit aux opérateurs.

Le collodion est le produit de l’évaporation d’une dissolution de coton-poudre dans l’éther sulfurique mélangé d’alcool. En s’évaporant, cette dissolution laisse un enduit visqueux, qui s’obtient en quelques minutes. Or, cette pellicule organique se prête merveilleusement aux opérations photogéniques. Elle s’imprègne très-bien du composé d’argent, et s’impressionne au contact des rayons lumineux avec une rapidité étonnante. Le collodion active à un tel point l’impression photogénique, que l’on peut reproduire, par son emploi, l’image des corps animés d’un mouvement rapide, tels que les vagues de la mer soulevées par le vent, une voiture emportée sur un chemin, un cheval au trot, un bateau à vapeur en marche avec son panache de fumée et l’écume qui jaillit au choc de ses roues.

On comprend sans peine, dès lors, que le collodion ait été accueilli avec une grande faveur par les photographes. Le portrait, qui ne pouvait s’obtenir qu’à grand’peine sur la glace albuminée, en raison de la lenteur d’impression de la matière sensible, s’exécute au moyen du collodion, avec la plus grande facilité ; aussi cette matière est-elle aujourd’hui la seule en usage pour l’exécution des portraits.