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une prodigieuse augmentation de leur nombre. Quelques exemples vont donner une idée de la fabuleuse vertu prolifique des poissons. Une Perche de moyenne taille renferme 28 320 œufs, — un Hareng 36 960, — un Brochet 272 160, — une Bauche 546 680, — un Carrelet 1 357 400, — un Esturgeon 7 635 200. M. Valenciennes a calculé qu’il existe 9 millions d’œufs dans un Turbot de 50 centimètres de long, et qu’un Muge à grosses lèvres en pond jusqu’à 13 millions !

Il est bien évident que la totalité des œufs d’un poisson n’est jamais fécondée, et qu’il s’en perd toujours une portion considérable. Les œufs fécondés sont, eux-mêmes, soumis encore à d’innombrables causes de mort. Ils peuvent être laissés à sec, — se gâter sous l’influence des matières limoneuses que soulèvent les crues des rivières, — être rongés par les algues ou byssus, — être dévorés par de nombreux ennemis, les oiseaux aquatiques, les insectes, les crustacés, enfin par les poissons.

Mais puisque la fécondation, chez les poissons, se fait par le simple contact des œufs avec la laitance du mâle, il est évident que l’on peut établir artificiellement et sûrement ce contact, en plaçant les œufs dans de l’eau chargée de laitance. La fécondation s’en opérera aussitôt.

Comment se manifeste l’action fécondante du spermatozoïde sur l’œuf des poissons ?

Un œuf de saumon, par exemple, est formé d’une enveloppe membraneuse, contenant dans son intérieur, un liquide visqueux, qui tient en suspension des granules et quelques globules huileux. Quelques instants après la fécondation, le contenu de l’œuf se trouble, puis reprend sa transparence : les granules se séparent des globules huileux, et forment une petite tache qui sera l’embryon et autour de laquelle se groupent les globules oléagineux. La figure 549 représente un œuf de saumon, quatre jours après la fécondation. On a représenté, au-dessous, ce même œuf, grossi quatre fois. Le germe est la partie noire entourée de globules grisâtres.

Fig. 549. — Œuf de Saumon quatre jours après la fécondation.

Bientôt se dessine une ligne, qui représente à peu près un cercle. Cette ligne, qui est blanche lorsqu’on regarde l’œuf sur un fond sombre, ou opaque quand on le mire par transparence, est l’origine du fœtus, et représente la colonne vertébrale. Elle grandit peu à peu : l’une de ses extrémités s’allonge, pour former la queue, l’autre se dilate et présente bientôt deux points brunâtres, puis noirâtres : ce sont les yeux. Cette extrémité constitue donc la tête, dont les yeux forment à peu près les deux tiers de la masse. La figure 550 représente l’œuf du saumon à ce degré d’incubation naturelle.

Fig. 550. — Œuf de Saumon à une époque plus avancée de son développement.

Assistons maintenant au développement de l’embryon et à l’individualisation complète du nouvel être, dont le spermatozoïde a provoqué la genèse.

Les formes s’accusent de jour en jour davantage. Au travers des membranes de l’œuf, on voit le jeune poisson se retourner sur lui-