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la pleine mer y sont réunies, sauf l’étendue illimitée de l’Océan.

Les poissons, les mollusques et les crustacés peuvent être soumis, dans ce laboratoire naturel, soit à l’influence des eaux tranquilles, soit à celle des courants. Sur le point le plus éloigné de la mer, s’élève un vaste bâtiment, dont le rez-de-chaussée est pourvu de tous les instruments de dissection et d’observation. D’immenses aquariums d’eau douce et d’eau salée, renouvelées sans cesse par une pompe, qu’un moulin à vent met en mouvement, abritent les poissons mis en expérience. Des volets fermés sur les glaces des aquariums, et munis de petits judas, permettent d’observer les animaux captifs quand ils se livrent aux actes les plus secrets et les plus importants de la nature.

Au premier étage sont les logements pour les volontaires de la science qui veulent venir à Concarneau étudier la faune sous-marine.

On a ménagé dans les six bassins toutes les conditions de la nature : fonds de sable, herbiers, vase, rochers, abris de toute sorte, enfin tout ce qui peut réjouir le cœur d’un animal aquatique. Trois de ces bassins sont destinés aux poissons et trois aux crustacés. On y a mis successivement tous les poissons que l’on pêche sur les côtes de Bretagne, et tous y ont très-bien vécu.

On y voit le Turbot, à la gueule de serpent, s’ébattre à côté de la Sole et de la Plie, qui se distinguent par la paresse de leurs mouvements, et la Raie filer entre deux eaux, en battant l’eau de ses nageoires. Le poisson de Saint-Pierre y nage doucement, sa nageoire dorsale lui tenant lieu d’hélice. La Vieille se couche sur le dos, ce qui permet aux crustacés parasites de s’appliquer sur elle ; des troupeaux de Muges broutent les algues ; le Rouget se sert de ses deux barbillons comme de deux doigts pour palper sa nourriture ; le Congre se cache sous les pierres en guettant sa proie ; la Sardine bleuâtre parcourt en tous sens les bassins, et échappe à la voracité de ses ennemis par la rapidité de sa course saccadée, qui rappelle le vol de l’hirondelle.

Tous ces animaux, farouches par instinct, s’habituent, avec une facilité surprenante, à la présence de l’homme ; ils se familiarisent au point de venir manger dans sa main. Les petits Muges sont si voraces et si hardis à la fois, qu’ils sortent en entier hors de l’eau, pour saisir la nourriture qu’on leur offre. Le pilote Guillou, gardien de ces viviers, dont il a fait une sorte de basse-cour aquatique, a même élevé deux Congres à passer entre ses mains quand il les appelle.

Rien n’est amusant comme le spectacle de ces bassins, à l’heure où les poissons prennent leur repas. C’est à qui luttera de vitesse et de ruse, pour obtenir sa pitance. Cependant, chacun arrive à satisfaire son appétit, ce qui contribue à entretenir la bonne intelligence entre petits et grands.

La nourriture qu’on leur jette, est un poisson de peu de valeur, le Saint-Char, qui ne se vend pas sur les marchés, et qu’on prend toujours en grande quantité dans les filets à sardines, où il s’égare sans y être convié. On coupe en morceaux ce poisson de rebut, qui sert à la nourriture de ses congénères aquatiques. Du reste, les poissons de mer ne sont pas difficiles pour leur alimentation ; toute espèce de mollusques leur convient. Les Vieilles avalent, par exemple, très-volontiers les Moules entières, animal et coquille ; leur solide estomac se charge de séparer l’ivraie du bon grain.

Le succès manifeste de ces tentatives d’éducation, permet d’espérer qu’on arrivera à constater dans ces viviers, des reproductions, si l’on a, à l’époque du frai, le soin d’isoler les couples. Du reste, on y a déjà observé la ponte d’une Plie et d’une grande Raie, et les mollusques et les crustacés se reproduisent dans les bassins, comme en pleine liberté. Les jeunes poissons qu’on y a introduits, s’y développent avec rapidité.