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Fig. 23. — Le laboratoire de M. Niépce de Saint-Victor, dans la salle de police de la caserne de la garde municipale du faubourg Saint-Martin, en 1848.


savant, il se livrait à des recherches de laboratoire, entrecoupées des mille diversions de son état ; la nuit, il s’en allait par la ville, le casque en tête et le sabre au côté, veillant en silence à la tranquillité de la rue, et s’efforçant de chasser de son esprit le souvenir inopportun des travaux de la journée.

En dépit des obstacles d’une position si exceptionnelle, M. Niépce de Saint-Victor avançait dans la voie scientifique, et tout faisait, espérer qu’une réussite brillante viendrait couronner ses efforts. Mais il avait compté sans la révolution de février. Les révolutions sont impitoyables ; elles n’épargnent pas plus l’asile du savant que le palais des rois. Le 24 février 1848, l’insurrection triomphante entra dans la caserne du faubourg Saint-Martin ; elle commença par la saccager, puis elle y mit le feu. Ce laboratoire élevé avec tant de soins et de sollicitude, les produits, les spécimens de ses travaux, le modeste mobilier du lieutenant, tout périt dans ce désastre.

Nous eûmes occasion de voir M. Niépce après cette journée. Il s’était retiré dans le haut du faubourg Saint-Martin, chez un ecclésiastique de ses parents : peu de jours auparavant, sur la place de l’Hôtel-de-Ville, quelques gardes municipaux, reconnus, avaient manqué d’être victimes de la fureur d’un peuple égaré. Il vivait donc chez son parent, attendant des jours meilleurs ; et c’était, je vous l’assure, un spectacle pénible que cet homme de cœur contraint de suspendre à son chevet son épée devenue inutile à la défense des lois, que ce savant réduit à pleurer la perte de son sanctuaire dévasté. Cependant, comme à la fin tout devait reprendre sa place, M. Niépce de Saint-Victor fut incorporé dans la garde républicaine, au