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cette pratique ne s’effectuait qu’avec une certaine violence, peu conforme aux lois de la nature, et sans doute nuisible à la santé de l’animal. M. Millet eut soin de ne récolter les œufs que par portions et par intervalles, c’est-à-dire à mesure qu’ils mûrissent, et de les faire tomber dans l’eau simultanément avec la laitance du mâle, que l’on se procure avec les mêmes précautions.

M. Millet a encore imaginé quelques appareils pour les frayères artificielles, des appareils d’incubation, plus ou moins nouveaux, plus ou moins ingénieux, et des boîtes convenablement disposées pour le transport à de grandes distances des œufs fécondés.

M. Millet n’a pas seulement fait de la pisciculture sur le marbre de sa cheminée. Il a mis beaucoup de zèle à la propager dans les départements de l’Eure, de l’Aisne et de l’Oise. Il s’est livré d’autre part à des observations patientes, qui l’ont conduit à quelques heureuses applications. Il a remarqué que la mortalité des œufs atteint toujours son maximum à l’époque où l’embryon commence à se former : il a donc conseillé de n’en effectuer le transport que lorsque les yeux sont déjà visibles, ou immédiatement après la fécondation. Il a vu encore que les taches blanches et les algues attaquaient plus rarement les œufs de truite et de saumon à une basse température qu’à une température qui dépasse 10 degrés. Il a expliqué l’émigration des poissons des eaux de la mer dans les eaux douces en constatant que l’eau salée est nuisible au développement de leurs œufs. Enfin il a reconnu que cette même eau salée, chose curieuse, faisait disparaître ces taches blanches, qui, s’agrandissant, auraient compromis la vie des jeunes poissons.

Mais le pas le plus considérable que la pisciculture ait fait après l’année 1852, l’extension prodigieuse et inattendue de cet art, sont dus à M. Coste.

C’est, en effet, aux travaux, à la patience, aux instances de ce savant, que l’on doit l’application de méthodes de fécondation artificielle aux animaux qui habitent les mers, tant poissons que mollusques et crustacés. M. Coste est parvenu à transformer les plages maritimes en manufactures abondantes de produits alimentaires. Nous ferons connaître, avec les détails nécessaires, les procédés et les appareils qui servent aujourd’hui à obtenir artificiellement, sur une grande échelle, la multiplication des huîtres, et celle des moules, et qui font espérer le même résultat pour divers crustacés.

L’établissement pratique de la pisciculture maritime a dû beaucoup aux études et aux recherches que M. Coste a pu faire dans le curieux laboratoire vivant qu’il a fait établir dans une anse retirée de la vieille Bretagne, près de la ville de Concarneau. Les viviers-laboratoires de M. Coste, à Concarneau, méritent donc ici une mention spéciale.

Concarneau est une petite ville du département du Finistère, cachée au pied d’une anse tranquille, poissonneuse, entourée de riantes collines, qui descendent jusqu’au rivage. Ses habitants ne sont que de pauvres pêcheurs.

La richesse en poisson de la baie de Concarneau, la bienveillante simplicité de la population de ses rivages, conviaient, en quelque sorte, le naturaliste à établir le domicile de ses études sur cette côte tranquille. C’est là que M. Coste, en 1858, allait poursuivre ses recherches scientifiques et ses études pratiques. En même temps qu’il préparait les remarquables travaux qui ont enrichi l’embryogénie comparée de découvertes nouvelles, il appelait l’attention du Gouvernement sur le sort des gens de mer, et il faisait introduire dans l’économie et l’administration des pêches marines d’utiles modifications.

Mais ce n’était pas assez ; il fallait populariser la science abstraite de l’embryogénie, la rendre féconde en résultats utiles en éten-