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ciers du corps royal du génie. L’un de ces officiers était le capitaine Bonnet, qui prit, plus tard, une grande part aux fortifications de Paris, et qui est mort directeur des fortifications de cette place.

Je vous dirai tout à l’heure le nom du second officier ; quant à moi, je l’appelais mon lieutenant.

Mon lieutenant était un jeune homme de vingt-quatre ans, petit, brun, agile, toujours en mouvement, et qui avait besoin de dépenser sans cesse la prodigieuse activité de son organisation. Il m’avait pris en affection, et se faisait un plaisir de me familiariser avec les exercices militaires, avec la gymnastique, le maniement du fusil, de l’épée, etc. Il m’avait inspiré pour la carrière des armes une véritable passion, que devait malheureusement contrarier bientôt le vœu de ma famille.

On s’occupait beaucoup, à cette époque, sous l’inspiration du chimiste d’Arcet, de la question de la valeur nutritive de la gélatine. On s’imaginait que cette substance pourrait fournir une précieuse ressource pour l’alimentation des masses. Mon lieutenant, qui avait besoin d’employer à quelque chose la constante activité de son esprit, avait obtenu d’entreprendre des expériences sur la véritable valeur de ce produit alimentaire, avec des hommes de sa compagnie. Mais, comme on le sait, tous les essais de ce genre devaient être négatifs ; le résultat des expériences entreprises à la citadelle de Montpellier, n’eut donc rien de satisfaisant pour le jeune officier du génie.

Cependant Alger venait d’être pris, et tout annonçait qu’un champ tout nouveau allait s’ouvrir aux opérations et aux conquêtes de notre armée. Un matin, mon lieutenant me prit dans ses bras, et me dit, en m’embrassant : « Adieu, cher enfant, je pars pour Alger. Quand tu seras devenu un brave officier de troupe, tu me retrouveras en Afrique. »

À la nouvelle de la prise d’Alger, il avait donné sa démission de lieutenant dans l’arme du génie, pour partir, avec le même grade, dans le corps des zouaves, que l’on commençait d’organiser.

Mon lieutenant s’appelait de Lamoricière. Je ne l’ai jamais revu, et c’est par les bruits publics que j’ai appris les exploits militaires du jeune chef de bataillon de zouaves, vainqueur et héros de Constantine, du brillant général dont on a admiré la valeur sur tous les champs de bataille de l’Afrique, du Ministre de la guerre de la République en 1848, du général en chef de l’armée du pape, en un mot, du grand homme d’épée que la France a malheureusement perdu en 1865.

Mais revenons à Delpech et à Coste. Leurs travaux sur le développement de l’oiseau dans l’œuf, avaient pris un grand développement. Des découvertes pleines d’intérêt, des observations de la plus haute importance, étaient sorties de ces études. Chaque matin, le jardin de la rue de la Maréchaussée se remplissait de montagnes de coquilles d’œuf, ce qui nous frappait d’une continuelle surprise, le capitaine Bonnet et moi. Nous ne pouvions comprendre à quoi pouvait servir cette continuelle hécatombe d’œufs, plus ou moins couvés, et de poulets en herbe !

Le travail étant terminé, Delpech chargea M. Coste d’aller présenter à l’Académie des sciences de Paris le mémoire contenant le résultat de leurs expériences sur le développement du poulet dans l’œuf.

Quand M. Coste lut devant l’Académie des sciences, ce mémoire, accompagné de planches et de dessins, représentant toutes les particularités de l’évolution du jeune dans l’œuf de l’oiseau, tous les naturalistes de l’Académie, et bientôt ceux de toute l’Europe, furent saisis d’une véritable admiration. Les deux expérimentateurs de Montpellier venaient de créer l’embryogénie, science qui sommeillait depuis les travaux de Harvey, au xviie siècle ; car on n’aurait pu citer avec honneur,