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de Saint-Victor avait senti s’accroître son goût des manipulations scientifiques. La découverte de son parent avait jeté sur le nom qu’il portait une gloire impérissable, et, comme par une sorte de piété de famille, il se sentait instinctivement poussé dans les voies de la science. Il commença donc à s’occuper de physique et de chimie, et s’attacha particulièrement à l’étude des phénomènes daguerriens. Mais une ville de province offre peu de ressources à une personne placée dans la situation où se trouvait M. Niépce. Convaincu que la capitale lui offrirait plus d’avantages pour continuer ses recherches, il demanda à entrer dans la garde municipale de Paris.

Fig. 22. — M. Niépce de Saint-Victor.

Il y fut admis, en 1843, avec le grade de lieutenant, et fut caserné, avec sa brigade, au faubourg Saint-Martin. C’est alors que M. Niépce de Saint-Victor découvrit les curieux phénomènes auxquels donne naissance la vapeur d’iode quand elle se condense sur les corps solides. Il démontra, en 1847, que l’inégale absorption de la vapeur d’iode par les différents corps qui la reçoivent, se trouve liée à la couleur des corps absorbants, phénomène physique singulier, dont l’explication soulève beaucoup de difficultés, et qui mériterait d’être étudié d’une manière approfondie.

À la suite de ce premier travail, qui commença à attirer sur lui l’attention, M. Niépce de Saint-Victor imagina le négatif photographique sur verre, dont nous venons de parler, découverte qui sera pour lui un titre de gloire durable.

Ces intéressantes recherches, qui apportaient un puissant secours aux progrès de la photographie, M. Niépce les exécutait dans le plus étrange des laboratoires. Il y avait à la caserne de la garde municipale du faubourg Saint-Martin, une salle toujours vide : la salle de police des sous-officiers ; c’est là qu’il avait installé son officine. Le lit de camp formait sa table de travail, et sur les étagères qui garnissaient les murs, se trouvaient disposés les appareils, les réactifs et tout le matériel indispensable à ses travaux. C’était un spectacle assez curieux que ce laboratoire installé en pleine caserne ; c’était surtout une situation bien digne d’intérêt que celle de cet officier poursuivant avec persévérance des travaux scientifiques, malgré les continuelles exigences de sa profession. Nos savants sont plus à l’aise d’ordinaire ; ils ont, pour s’adonner à leurs recherches, toute une série de conditions favorables, entretenues et préparées de longue main par un budget clairvoyant. Ils ont de vastes laboratoires, où tout est calculé pour faciliter leurs travaux ; après avoir eu des maîtres pour les initier, ils ont des disciples auxquels ils transmettent les connaissances qu’ils ont acquises ; Quand le succès a couronné leurs efforts, ils ont le public qui applaudit à leurs découvertes, l’Académie qui les récompense, et au loin la gloire qui leur sourit. M. Niépce était seul ; comme il avait été sans maître, il était sans disciples ; sa solde de lieutenant formait tout son budget ; une salle de police lui servait de laboratoire. Le jour, dans tout l’attirail du