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mencé que le vingt mars…… En sortant, les petits, dont la queue se dégage la première, sont blancs, allongés, maigres, la tête grosse…… ils remuent aussitôt et semblent par leurs élans nager de suite avec plaisir ; tous les jours on les voit changer de couleur et prendre celle des grands poissons ; le corps s’arrondit et se remplit. Je possède encore une quantité de ces petits êtres, pour pouvoir en produire au besoin.

Une découverte de ce genre, surtout dans un moment où les rivières se trouvent presque dépourvues de poissons, par suite de la sécheresse qui s’est fait sentir l’année dernière, est digne, je crois, de l’intérêt du gouvernement……

Signé : Remy.

La lettre qu’on vient de lire demeura sans réponse. Le préfet se borna à la transmettre à la Société d’émulation des Vosges.

Les deux pêcheurs de la Bresse ignoraient qu’il existe à Paris, une Académie savante, dont l’autorité est immense en Europe ; si bien qu’une communication adressée à cette assemblée, se répand de là dans le monde entier, avec la rapidité de l’éclair. Ils ne songèrent donc pas à aller frapper aux portes de l’Académie des sciences. Ils s’adressèrent seulement à la Société d’émulation des Vosges, à laquelle le Préfet du département avait renvoyé leur communication.

La Société d’émulation des Vosges est « une de ces honnêtes filles qui n’ont jamais fait parler d’elles, » selon le mot de Voltaire. Ayant pris connaissance du procédé des deux pêcheurs, elle décerna, en 1843, à Remy et Géhin une médaille de bronze et une indemnité de 100 francs. Cela fait, la Société d’émulation des Vosges crut avoir suffisamment mérité de la science et de la patrie.

Tout semblait donc annoncer que la découverte de Remy et Géhin demeurerait longtemps enfouie dans les respectables archives de la Société savante d’Épinal. Heureusement pour une invention dont les résultats intéressaient, à tant de titres, le public tout entier, la question vint se poser, peu de temps après, devant l’Académie des sciences de Paris, à l’occasion du mémoire de M. de Quatrefages, présenté à l’Institut, comme nous l’avons dit, au mois de septembre 1848.

Aussitôt un médecin d’Épinal, M. le docteur Haxo, qui s’était dévoué à la propagation des idées de Remy, adressa à l’Académie des sciences une lettre, dans laquelle il faisait connaître la méthode et les succès des deux pêcheurs vosgiens. Nous avons déjà dit quel fut l’étonnement de l’Académie et du public. Les noms de Remy et de Géhin, répétés par tous les échos de la presse française, eurent bientôt une célébrité européenne.

La lettre du docteur Haxo fut renvoyée, par le président de l’Académie, à l’examen d’une commission, composée de MM. Duméril, Milne-Edwards et Valenciennes.

M. Milne-Edwards, prenant sa tâche au sérieux, partit pour les Vosges. Il se mit en rapport avec Remy, et à son retour, il présenta à l’Académie des sciences, un rapport, dont nous extrairons quelques passages.

«… La question que les pêcheurs se sont posée, disait M. Milne-Edwards, me semble pleinement résolue. Et, pour rendre au pays un service considérable, il ne leur manque que les moyens nécessaires pour étendre leurs opérations… Pour établir d’une manière régulière ce genre d’industrie, il faudrait au moins avoir trois étangs et en faire la pêche alternativement trois ans après leur empoissonnement respectif, puis verser de nouveaux produits dans le vivier ainsi épuisé. Malheureusement MM. Remy et Géhin n’ont pas à leur disposition les fonds nécessaires pour compléter de la sorte l’exploitation de leurs procédés. Ils ont obtenu la concession d’un petit étang qu’ils ont approprié à cet usage, et ils en ont acheté un autre au prix de 800 francs. Mais aujourd’hui leurs ressources pécuniaires sont épuisées et si, grâce à votre bienveillante protection, monsieur le Ministre, ils n’obtiennent pas quelques secours du gouvernement, je crains bien qu’ils ne se trouvent dans l’impossibilité de donner suite à des essais dont les débuts sont des plus satisfaisants.

« Les travaux de MM. Géhin et Remy me semblent d’autant plus dignes d’encouragement que le succès ne peut donner que peu ou point de profit à ces deux hommes dévoués et actifs, mais contribuera à accroître les ressources alimentaires dont les populations riveraines ont la disposition…… Pour le Saumon et pour la Truite et pour beaucoup d’autres poissons, le procédé de multiplication mis en pratique par MM. Remy et Géhin, me semble être le