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reconnut, par des expériences heureuses, la possibilité de reproduire ce poisson par la fécondation artificielle selon la méthode de Jacobi. En 1841, sous l’inspiration de M. Drummond, M. Boccius, ingénieur civil de Hammersmith, réussit à repeupler, dans le voisinage d’Uxbridge, les cours d’eau appartenant à M. Drummond. Il y éleva, en un certain nombre d’années, 120 000 Truites. Pendant les années suivantes, M. Boccius mit les mêmes procédés en pratique dans les domaines du duc de Devonshire à Chatsworth, chez M. Gurnie à Carsalton et chez M. Stibberts à Chatford.

Tel est le bilan exact des tentatives qui avaient été faites en Europe, pour mettre en pratique les procédés de fécondation artificielle découverts au xviiie siècle, par le naturaliste allemand Jacobi.

Il est certain, pourtant, que tous les faits qui viennent d’être rappelés étaient ignorés ou oubliés des naturalistes, lorsque, en 1848, on apprit que deux pêcheurs qui habitaient une vallée des Vosges, et qui exerçaient leur industrie dans la rivière de la Bresse, avaient réalisé la découverte de la fécondation artificielle des poissons. Voici à quelle occasion le public et les savants furent saisis de cette question.

M. de Quatrefages avait été conduit, par des recherches purement scientifiques, à s’occuper de la multiplication des poissons, et il présenta à l’Académie des Sciences, en 1848, un travail sur ce sujet. Persuadé que les fécondations artificielles pourraient faire disparaître les diverses causes qui nuisent au développement des œufs, M. de Quatrefages conseillait d’employer la caisse à éclosion de Jacobi, pour obtenir l’éclosion des poissons qui habitent les eaux vives. Il montrait, en même temps, la possibilité de rendre annuel le produit triennal et irrégulier des étangs, en les divisant en divers compartiments, dans le plus petit desquels on ferait éclore les œufs et on élèverait le fretin. Chaque année, on chasserait le poisson d’un compartiment dans l’autre, et l’on pourrait pêcher tous les ans dans le dernier bassin.

« Quand on sait, écrivait M. de Quatrefages, dans son mémoire, combien est remarquable la fécondité des poissons, on se demande comment le nombre des poissons n’est pas plus considérable. Ce fait s’explique surtout, peut-être par l’appréciation des circonstances qui s’opposent au développement de ces myriades de germes. On sait que, chez la plupart des poissons, il n’y a pas d’accouplement. À l’époque du frai, les mâles et les femelles recherchent, il est vrai, également les localités propres au développement des œufs ; mais ces derniers sont pondus et la liqueur fécondante émise, sans qu’aucun rapprochement des sexes assure le contact de ces deux éléments. La fécondation est tout accidentelle ; et, par suite, un nombre immense d’œufs périssent sans avoir été fécondés. En outre, le frai des femelles est très-souvent dévoré au moment même de la ponte, soit par quelques individus voraces, soit par les parents eux-mêmes. Enfin, ce frai pondu près des rivages, dans nos rivières et nos étangs, périt bien des fois quand les eaux, venant à baisser, le laissent à sec.

« Les fécondations artificielles feraient disparaître toutes ces causes de destruction des œufs, et l’emploi de cette méthode n’offre aucune difficulté. Il suffit de placer dans un vase quelconque les laitances mûres d’un certain nombre de femelles, avec une quantité d’eau suffisante pour qu’en agitant le liquide, les œufs puissent flotter librement ; puis, de délayer dans ce vase la laitance d’un mâle. Au bout de quelques instants, si les œufs sont bien à terme et la liqueur fécondante suffisamment élaborée, la fécondation sera accomplie : tous les œufs sont fécondés. Or on reconnaît que les poissons mis en expérience remplissent ces conditions, lorsqu’en pressant légèrement l’abdomen d’avant en arrière, on fait sortir facilement le produit des organes reproducteurs. Les œufs, une fois fécondés, devront être placés dans un lieu propre à leur développement, et ici se présentent des exigences qui varient avec l’espèce sur laquelle on opère. Les œufs de poissons d’étang ou de vivier ne demanderont pas de grandes précautions, il suffira de les déposer dans un endroit ayant un fond d’herbes aquatiques, et où l’eau soit tranquille et peu profonde. On devra, d’ailleurs, les protéger d’une manière quelconque, par des treillis, par exemple, contre les attaques de leurs ennemis. Les œufs des poissons d’eau vive sont un peu plus difficiles à élever. Voici, toutefois, un procédé bien simple, qui a été mis en usage avec succès dès le milieu du siècle dernier, par un Allemand, le comte de Golstein, pour faire éclore des Saumons. On fait construire une caisse à couvercle mobile, de 4 mè-