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Mais comment Jacobi avait-il été conduit à cette découverte remarquable ? L’observation avait appris depuis des siècles, que chez les poissons la fécondation s’opère hors du corps de ces animaux, à l’aide d’un produit liquide, la laitance, dont le mâle vient arroser les œufs, déposés par la femelle sur le fond des cours d’eau. Jacobi imita artificiellement ce qui se passe dans la nature, et cette tentative fut couronnée d’un plein succès. Il constata, par une suite d’expériences ingénieuses, qui furent prolongées pendant un grand nombre d’années, que si l’on déverse sur les œufs de poissons, retirés du corps d’une femelle, la laitance du mâle, cette opération suffit pour provoquer, comme dans les conditions naturelles, le développement du germe.

La seule condition que Jacobi reconnut indispensable pour obtenir, après cette fécondation artificielle, l’éclosion des œufs et la naissance du jeune poisson, consistait à placer les œufs fécondés dans une eau limpide et pure, se renouvelant constamment, c’est-à-dire, dans le cours d’un petit ruisseau dérivé d’une bonne source.

Pour opérer une fécondation artificielle, Jacobi opérait donc comme il suit : il saisissait une femelle dont les œufs étaient parvenus à maturité et faisait tomber ces œufs dans un récipient plein d’eau en exerçant une légère pression sur ses flancs, comme le montre la figure 541. Cette pression, sans nuire aucunement à l’animal, suffisait pour expulser les œufs des cavités intérieures qui les contiennent. Il prenait ensuite un mâle, et par le même procédé, il faisait écouler au dehors sa laitance, qui se mêlait à l’eau et fécondait ainsi les œufs qui s’y trouvaient déposés. Ensuite il plaçait les œufs fécondés dans une petite caisse percée de quelques ouvertures fermées par des grilles de laiton, de manière à y laisser circuler facilement un courant d’eau.

Fig. 541. — Opération de la ponte artificielle.

« On choisira, dit Jacobi, quelque lieu commode près d’un ruisseau, ou mieux encore près d’un étang nourri par de bonnes sources, d’où l’on puisse par une fente ou petit canal de dérivation, faire circuler un filet d’eau d’environ un pouce d’épaisseur, à travers la caisse, par les grilles, après l’avoir placée dans la situation nécessaire à cet effet. Enfin on couvrira le fond de la caisse d’un pouce de sable épais ou de gravier, recouvert d’un lit de cailloux jointifs de la grosseur d’une noisette ou d’un gland. On répandra les œufs ainsi fécondés dans une des caisses ci-dessus, et l’on y fera couler l’eau du ruisseau ayant attention qu’elle n’y coule pas avec assez de rapidité pour emporter les œufs avec elle. »

La figure 542 représente la Boîte à éclosion de Jacobi.

Ainsi préservés de toutes les causes extérieures qui auraient pu leur porter atteinte, les œufs artificiellement fécondés arrivaient, sans accident, à la dernière période de leur développement. Au terme de cette incubation factice, les jeunes poissons naissaient aussi bien conformés que ceux qui éclosent dans les conditions ordinaires. Jacobi les conservait cinq semaines environ après leur naissance, et les distribuait alors dans son vivier.

Quand on a lu les descriptions si nettes et si précises de cette expérience remarquable, on comprend aisément que Jacobi puisse ajouter que « sa méthode appliquée à toutes