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cédé de la fécondation artificielle. Voici ce que dit Columelle dans son ouvrage :

« Les descendants de Romulus et de Numa, tout rustiques qu’ils étaient, avaient fort à cœur de se procurer dans leur métairie une sorte d’abondance, en tout genre, pareille à celle qui règne parmi les habitants de la ville ; aussi ne se contentaient-ils pas de peupler de poisson les viviers qu’ils avaient construits à cet effet mais ils portaient la prévoyance jusqu’à remplir les lacs formés par la nature elle-même de la semence de poisson de mer qu’ils y jetaient. C’est ainsi que le lac Vélinus et le Sabatinus, aussi bien que le Vulsinensis et le Ciminus, ont fini par donner en abondance non-seulement des loups marins et des dorades, mais encore de toutes les autres espèces de poissons qui ont pu s’accoutumer à l’eau douce[1]. »

Ainsi les Romains ont repeuplé des viviers et même des lacs, en y transportant de la semence de poisson, sans doute au moyen de frayères artificielles, comme le faisaient depuis longtemps les Chinois. Ils ont introduit la Dorade dans des étangs particuliers, et l’ont nourrie avec des coquillages placés dans ces étangs. Mais il y a loin de là aux procédés de fécondation artificielle inaugurés au dix-huitième siècle et si merveilleusement perfectionnés de nos jours.


CHAPITRE II

l’industrie du lac fusaro pour la multiplication artificielle des huîtres.

Non loin de Naples, entre le rivage de Pouzzoles et les ruines de l’antique cité de Cumes, on voit encore les restes d’un ancien lac, le lac Lucrin, l’Averne des poëtes, lieu terrible et solitaire que la superstition des anciens avait rendu sacré. Les patriciens romains, attirés par la pureté du ciel, l’azur de la mer, et peut-être par la présence des sources d’eaux minérales chaudes, sulfureuses, alumineuses et nitreuses, élevèrent des villas splendides autour du golfe de Baïes, et vinrent y promener leurs ennuis et leur mollesse. Sergius Orata, homme élégant et riche spéculateur, organisa dans le lac Lucrin des parcs d’huîtres, qui mirent à la mode, en Italie, ce mets délicat. Il fit venir des huîtres de Brindes et les conserva dans les eaux salées du lac Lucrin. Il sut persuader à tout le monde que les huîtres contractaient, par leur séjour dans les eaux de ce lac, une saveur qui les rendait meilleures que celles que l’on allait recueillir en d’autres contrées.

Les Romains prirent goût aux huîtres du lac Lucrin, et le parc de Sergius Orata acquit, en peu de temps, une grande renommée.

On a découvert des monuments historiques qui prouvent que cette pratique remonte bien au delà du siècle d’Auguste, c’est-à-dire, comme Pline l’avance, jusqu’au temps de l’orateur Crassus, avant la guerre des Marses (150 ans avant J.-C.) « Du temps de l’orateur Crassus, avant la guerre des Marses, dit Pline, Sergius Orata trouva à Baïes, l’art d’entretenir les huîtres vivantes »[2].

Ces monuments sont deux vases funéraires en verre, qui ont été découverts, l’un dans la Pouille, l’autre dans les environs de Rome. Comme on le voit d’après le dessin qui accompagne ces lignes (fig. 529), et qui a été publié par M. Coste dans son beau Voyage d’exploration sur le littoral de la France et de l’Italie, leur forme est celle d’une bouteille antique, à ventre large, à goulot allongé. Sur la paroi extérieure se voient des dessins en perspective, dans lesquels, malgré leur représentation grossière, on reconnaît des viviers attenants à des édifices, et communiquant avec la mer par des arcades. On lit sur le vase trouvé dans la province de la Pouille les mots Stagnum Palatium (nom de la villa que possédait Néron sur les bords du lac Lucrin) et Ostrearia. Celui qui a été trouvé à Rome, porte les mots sui-

  1. De re rustica, lib. VIII, cap. xvi.
  2. Ostrearum vivarium primus omnium Sergius Orata invenit in Bajano, ætate L. Crassi oratoris, ante Marsicum bellum (Hist. nat. lib. IX, cap. liv.)