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LA PISCICULTURE

Si quelques personnes pouvaient mettre en doute les transformations prodigieuses que l’application des découvertes scientifiques réserve à l’avenir des sociétés, il suffirait, pour rectifier leur opinion sur ce point, de mettre sous leurs yeux les résultats de l’industrie nouvelle, désignée sous le nom, étrange et bien justifié, de Pisciculture. Provoquer la naissance, le développement et l’entretien de myriades de poissons alimentaires, repeupler les eaux de nos rivières et de nos fleuves, jeter dans ces cours d’eau, dans les lacs salés et jusque dans les mers, une semence animale, comme le laboureur répand le grain sur la terre féconde, et de nos propres mains distribuer la vie, comme le Prométhée antique ; créer ainsi une branche nouvelle du revenu public, mais surtout offrir à l’alimentation des ressources jusqu’à ce moment imprévues, en apportant sur nos marchés un aliment substantiel et sain, qui, exploité avec le temps sur une échelle convenable, pourra venir efficacement en aide à la subsistance des classes laborieuses : tel est le but de cette admirable industrie.

Lorsqu’en 1848 un de nos plus savants naturalistes, M. de Quatrefages, dans une lettre adressée à l’Académie des sciences de Paris, vint rappeler que la science possédait depuis longtemps les moyens de provoquer l’éclosion artificielle des poissons dans le sein des eaux, cette assertion ne trouva qu’incrédulité. Aujourd’hui, grâce à la persévérance de nos savants et au concours de l’État, la pisciculture, tant fluviatile que maritime, constitue une industrie en pleine exploitation, et ses résultats ont de quoi étonner ceux-là mêmes qui, au début, avaient le mieux auguré de ses succès.

Nous disons que l’art de faire naître et de multiplier à volonté les poissons de rivière, était connu depuis de longues années. En effet, les Chinois avaient fait usage de moyens artificiels permettant d’atteindre ce résultat. Par le prodigieux degré de perfection apporté à leurs viviers, les Romains s’étaient presque approchés de cet art. En Italie, la multiplication artificielle des poissons de l’Adriatique était réalisée depuis des siècles dans la lagune de Comacchio, près de Venise, et celle des huîtres se pratiquait dans le lac Fusaro, aux environs de Naples, depuis un temps assez reculé. Bien plus, la pisciculture avait été mise en pratique, au quinzième siècle, par un moine nommé dom Pinchon. Des procédés tout semblables à ceux de dom Pinchon furent minutieusement décrits, au dix-huitième siècle, par un naturaliste allemand, nommé Jacobi. Cette méthode avait été consignée par lui dans divers recueils académiques.

Cependant, en dépit de tant de travaux, la fécondation artificielle des poissons était demeurée jusqu’à nos jours inconnue, ou du