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tres, de fixer les images de la chambre obscure, M. Bayard eut l’idée d’employer, pour arriver à ce résultat, ce papier rose de carthame qui avait servi aux distractions de son enfance. Mais, placé dans la chambre noire, ce papier rebelle ne s’impressionnait point par l’agent lumineux. C’est alors que M. Bayard eut l’idée de remplacer cette matière paresseuse par le chlorure d’argent, c’est-à-dire par l’agent photographique dont on fait usage aujourd’hui. Il parvint ainsi à obtenir de véritables épreuves de photographie sur papier, avec cette condition, si remarquable pour l’époque, d’être des images directes, c’est-à-dire qui n’exigeaient point la préparation préalable d’un type négatif. Sur l’épreuve obtenue dans la chambre noire, les clairs correspondaient aux lumières du modèle, et les noirs aux ombres.

Le procédé de M. Bayard consistait à exposer le papier imprégné de chlorure d’argent, à l’action de la lumière, mais seulement jusqu’à un certain degré, que l’expérience lui avait appris à connaître. Quand on voulait s’en servir pour obtenir l’image photographique, on faisait tremper ce papier imprégné d’avance de chlorure d’argent, dans une dissolution d’iodure de potassium et on l’exposait, dans la chambre obscure, à l’action de la lumière. Les rayons lumineux avaient pour effet de blanchir, ou, pour mieux dire, de jaunir faiblement le sel d’argent dans les parties éclairées. Il ne restait plus qu’à fixer l’épreuve, au moyen de l’hyposulfite de soude.

Tel est le procédé de photographie sur papier qu’avait imaginé M. Bayard, et qu’il eut, pour sa réputation future, le tort de vouloir garder secret. C’est ainsi qu’étaient obtenues ces belles épreuves que M. Despretz nous montrait, en 1846, dans son cours de physique à la Sorbonne, et que nous nous faisions passer de main en main, sans pouvoir deviner par quels procédés magiques se réalisaient de telles merveilles. Comment deviner aussi que ces beaux effets ne dérivaient que de l’observation attentive de l’action du soleil sur une pêche !

Cette histoire d’une pêche étiquetée par le soleil d’automne, excitera peut-être un sourire d’incrédulité chez quelques lecteurs. Pour convaincre les sceptiques de la réalité de cette action chimique de l’astre solaire, nous emprunterons aux traditions de l’Orient une autre histoire, tout à fait analogue, et qui s’explique par les mêmes influences.

Deux juifs arrivent, un jour, à Constantinople, pour faire fortune. Comme leur religion était un obstacle à leurs projets, ils en font bon marché, et se déclarent prêts à embrasser le mahométisme.

Ce n’est pas une grande affaire que deux juifs se disposant à abjurer leur religion ; on n’y aurait donc pas fait grande attention dans la bonne ville de Constantinople. Aussi nos deux personnages voulurent-ils donner plus d’éclat à leur conversion. Ils invoquèrent un miracle que le prophète aurait daigné accomplir sur leur personne. Ils firent savoir que Mahomet était apparu à l’un d’eux ; qu’il l’avait appelé à haute voix, et après l’avoir éveillé, lui avait ordonné de se rendre à Constantinople, pour y embrasser la religion du Dieu des musulmans.

Les ulémas de Constantinople ne brillent point par la crédulité ; ils aiment, avant de prendre un parti, ou de croire aux paroles d’un inconnu, que cet inconnu fournisse la preuve de ce qu’il avance ; les ulémas demandèrent donc à nos deux juifs la preuve de cette apparition divine.

« Je porte sur mon corps, cette preuve, dit l’un des deux juifs. Quand la main du prophète s’est posée sur moi, pour me tirer du sommeil ; cette main a laissé sa trace sur ma poitrine, et cette marque persiste encore. »

Et découvrant aussitôt sa poitrine, le juif montre en effet, imprimée sur sa peau brune, la silhouette d’une main, qui s’y découpait en une teinte plus claire.

On examina avec soin la peau du juif ; on