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Pour qu’on ne nous accuse pas de nous complaire dans des considérations scientifiques, nous invoquerons des faits, des expériences directes. Un agriculteur anglais, M. Parkes, a fait, en 1854, des observations thermométriques très-suivies, dans un marais tourbeux, drainé seulement en partie. La température du sol naturel, non drainé, s’élevait à 8°,3 à une profondeur de 0m,18 ; à une même profondeur, dans la partie drainée, le thermomètre marquait 18°,8. Or, sur 35 observations, M, Parkes a trouvé, pour la même profondeur, une augmentation moyenne de 5°,5 dans la température du terrain drainé, par rapport à celle du même terrain non drainé.

Le corollaire naturel des faits que nous venons d’exposer, c’est la précocité des récoltes dans les terres drainées. Il y a quelquefois, sous ce rapport, une avance de 15 jours à un mois ; et l’on a obtenu de très-curieux résultats dans les cultures jardinières. En Angleterre la maturité des fruits de certains arbres, des cerisiers par exemple, a pu avoir lieu un mois plus tôt que de coutume.

Le drainage modifie et ameublit le sol ; c’est ce que nous établirons sans peine. Considérons ce qui se passe dans les terres fortes, ou argileuses. Elles ne laissent pas assez facilement pénétrer l’eau de la surface, et la retiennent trop fortement lorsqu’elles en sont imprégnées. Elles pèchent donc alternativement, suivant la saison, par un excès de sécheresse ou par un excès d’humidité. Sous l’influence des vents et du soleil, elles deviennent tellement dures que la végétation en souffre ; par l’action des pluies continues, elles sont tellement humides, que les plantes noyées et soumises au refroidissement qui résulte de l’évaporation, sont de plus déchaussées et détruites par des gelées et des dégels successifs. Ajoutons que la culture de ces terres est difficile, pénible, longue et coûteuse, à cause de l’état du sol, qui tantôt est si dur et si compacte, que les instruments de labour ne peuvent l’entamer, et qui tantôt, au contraire, est si détrempé, si pâteux, que les attelages s’y embourbent et éprouvent une grande résistance. Un bon drainage, en donnant aux sols argileux une porosité relative, qui semble au premier abord incompatible avec la nature de ces terrains, les rend faciles à travailler, et prévient les désordres dont nous venons de tracer le tableau.

Un autre avantage de drainage c’est qu’il augmente la fertilité du sol. Qu’une terre soit trop mouillée, les principes solubles des engrais, disséminés, noyés dans une trop grande masse d’eau, n’agissent plus sur la végétation qu’à des doses qu’on pourrait appeler homéopathiques, et ils sont quelquefois même entraînés bien loin des racines. D’un autre côté, on sait que l’air, la chaleur et une petite quantité d’humidité, sont les agents nécessaires à une bonne végétation. Or, ces conditions font complétement défaut dans un terrain trop humide. C’est par le drainage que ce sol noyé retrouvera la quantité d’humidité, d’air et de chaleur, nécessaire pour utiliser les engrais confiés à la terre. De plus, l’eau de pluie chargée d’ammoniaque ou d’azotates solubles, ne s’arrête plus à la surface du sol, où les sels ammoniacaux s’évaporeraient promptement : elle pénètre jusqu’à la racine des plantes, et met à leur portée les principes fertilisants des engrais.

Qui nous assure pourtant que, grâce à cette facilité d’infiltration, l’eau n’entraîne pas avec elle, et sans profit pour le sol, ces précieux éléments de fécondité ? Ce doute n’est pas possible. M. Boussingault, ayant analysé l’eau provenant de l’écoulement des drains, y trouva l’ammoniaque en quantité beaucoup moindre que n’en contenaient les eaux de pluie. Les plantes avaient donc absorbé à leur profit, cette ammoniaque.

En résumé, les effets et les avantages du drainage sont les suivants :