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seau des canaux extérieurs, puis enfin dans les pores des mottes de terre, à la manière de l’eau qui monte, de proche en proche, d’une des extrémités d’un morceau de sucre à l’autre extrémité. Toute la terre sera ainsi saturée d’eau, et il n’y aura plus d’air. La plante se trouvera alors dans de mauvaises conditions. Si la nature ne l’a pas destinée à se plaire dans ce marécage en miniature, elle dépérira bientôt ; ses racines se pourriront, ses feuilles et ses fleurs se flétriront, et elle mourra. Pauvre Picciola !

Rétablissons maintenant l’ouverture du pot à fleurs. L’eau, circulant dans l’intérieur des canaux dont nous avons parlé plus haut, et s’écoulant au dehors, abandonne, en passant, les principes réparateurs qu’elle apporte, et se trouve remplacée elle-même, par de l’air. Les pores constitutifs des particules, retiennent, au contraire, l’eau qu’ils ont absorbée, en sorte que le sol est frais, sans être noyé.

Ainsi le trou percé au fond du pot à fleurs permet le renouvellement de l’eau et le renouvellement de l’air, éléments dont dépend la vie de la plante. Eh bien ! le drainage des terres arables n’a pas d’autre but. C’est ce petit trou du pot à fleurs que l’on réalise dans les champs ! Prenons un exemple. Les terres froides, c’est-à-dire celles qui, sans être imperméables par elles-mêmes, reposent sur un sous-sol imperméable, sont placées dans les mêmes conditions défavorables que notre pot à fleurs, quand son ouverture du fond se trouve bouchée. Il s’agit donc, pour mettre ces terres dans des conditions normales, pour établir cette circulation nécessaire de l’air et de l’eau, pour conserver cette terre fraîche et non pas humide, de déboucher le trou de ce vaste pot à fleurs, en un mot, de drainer cette terre. Les travaux de drainage consistent à ouvrir dans la terre des tranchées étroites, au fond desquelles on dispose des tuyaux de poterie, placés bout à bout, et débouchant à l’air libre, au point le plus bas de chaque système de rigoles. L’eau qui imprègne le sol arrive en s’infiltrant jusqu’aux tuyaux de conduite ; elle s’y introduit à travers les joints qui unissent leurs extrémités, et s’écoule en suivant la pente du terrain.

Le rapide écoulement des eaux de pluie à travers le sol, l’abaissement du plan des eaux stagnantes à une profondeur suffisante pour ne plus nuire au développement des racines ; tels sont les effets généraux, les résultats directs et immédiats d’un drainage bien fait. De ces deux effets généraux résultent des effets secondaires très-importants, que nous allons passer en revue.

Démontrons d’abord que le drainage réchauffe le sol.

Quand un sous-sol imperméable contient, à une faible profondeur, une nappe d’eau stagnante, en sorte que la chaleur solaire, arrêtée par cette barrière liquide, ne puisse lui transmettre son action qu’à une profondeur insignifiante, il y a très-près de la surface du sol, une couche qui est insensible aux variations de la température extérieure, et dont la chaleur est bien inférieure à la température moyenne des mois les plus chauds de l’année. Le drainage, en supprimant la nappe d’eau stagnante, fait descendre plus bas cette couche du sol insensible aux variations atmosphériques, de sorte qu’elle n’a plus aucune influence fâcheuse sur le développement des racines. D’autre part, les eaux de pluie ont, pendant une grande partie de l’année, une température supérieure à celle des couches un peu profondes du sol. Ces eaux, relativement chaudes, sont comme pompées, de haut en bas, par le drainage, et viennent ainsi augmenter la chaleur du sol. Enfin, en abaissant, par le même procédé, la nappe d’eau stagnante à une profondeur convenable, on diminue considérablement l’évaporation qui se fait toujours à la surface de la terre, et l’on réchauffe d’autant le sol ; car, pour passer à l’état de vapeur, l’eau liquide absorbe, comme nous l’apprend la physique, une quantité énorme de chaleur.