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l’amortissement du capital, et l’intérêt calculé à 4 pour 100.

Une autre loi, du 28 mai 1858, substitua pour ces avances, le Crédit foncier de France à l’État, et autorisa cette compagnie à faire pour les travaux de drainage, jusqu’à concurrence de cent millions, des prêts, remboursables par annuités.

Enfin, un décret du 23 septembre 1858 régla la forme et le mode d’instruction des demandes, les conditions des prêts, et créa pour leur admission, une commission spéciale, sous le titre de Commission supérieure du drainage.

Sous cette haute impulsion, des entrepreneurs se présentèrent et quelques sociétés se formèrent pour l’exécution des travaux de drainage.

Cependant, il faut le dire, sur les 100 millions pour lesquels le Crédit foncier était autorisé à émettre des obligations de drainage, des prêts s’élevant à quelques centaines de mille francs seulement, ont été réalisés. Le but que s’était proposé le Gouvernement n’a donc pu être atteint. L’élan populaire qui avait accueilli, en Angleterre, les offres du Gouvernement, a fait chez nous complétement défaut.

Il est vrai que beaucoup d’entreprises particulières ont été exécutées avec les ressources des propriétaires eux-mêmes, et que souvent une amélioration très-sensible a pu être constatée ; mais quelquefois aussi, cette amélioration ne s’est pas soutenue, de sorte que des travaux importants n’ont pas été suffisamment compensés par l’augmentation des récoltes. En un mot, les immenses résultats qu’on espérait obtenir, en France, de l’emploi général du drainage, sont restés bien au-dessous de ce qu’on en attendait. Ce qui n’empêche pas que le drainage ne soit une pratique agricole de la plus haute importance, et digne de figurer au nombre des inventions les plus remarquables de notre siècle.

La vulgarisation du drainage en France, n’est pas due tout entière à l’initiative gouvernementale. Il serait injuste de passer ici sous silence les noms de quelques intelligents agronomes, qui, les premiers, ont proclamé les bienfaits, encore discutés, de cette méthode. Citons entre tous, MM. Duchâtel et de Bryas.

Le 14 août 1855, pendant l’Exposition universelle et au milieu des expériences agricoles qui avaient lieu à Trappes, M. de Bryas donnait à qui voulait l’entendre ce victorieux argument :

« J’ai drainé en entier une propriété près de Bordeaux qui valait 700 000 francs et dont voici les plans. Je l’afferme aujourd’hui sur le pied de 1 100 000 francs, et mes fermiers sont enchantés de leur marché. »

Aujourd’hui, les opérations du drainage sont devenues presque usuelles. Cependant on ne peut s’empêcher de reconnaître que cette opération, nécessaire en Angleterre, ne saurait avoir d’importants résultats en France dont le sol pèche plutôt par un état habituel de sécheresse, que par un excès d’humidité.

Les autres nations entrèrent peu à peu dans la pratique de l’assainissement des terres ; mais nous devons citer à part, et en seconde ligne après l’Angleterre, le royaume de Belgique. L’importation du drainage dans ce pays date de 1835. M. Vitart l’appliqua le premier. Mais c’est seulement en 1850, qu’il prit son complet essor. Grâce à l’habile et vigoureuse intervention du Gouvernement, en quelques années le développement de la méthode nouvelle fut extraordinaire. Ses progrès sont résumés dans le tableau suivant.

ANNÉES.
NOMBRE
de fabriques de tuyaux
en exercice.
NOMBRE
des agriculteurs
qui ont appliqué
le drainage.
NOMBRE
d’hectares de terrains
drainés.
1850 9 35 150
1851 20 205 566
1852 33 599 888
1853 56 1 198 1 645
1854 76 2 114 3 168
1855 88 3 448 5 631
1856 106 4 021 7 244
    11 620 19 292