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un véritable progrès ; mais le développement et l’importance de cet art ont été dus, en grande partie, à la substitution que l’on fit à la pierraille, de deux tuiles, dont l’une est plate et l’autre creuse. Une tuile plate pour semelle et une tuile creuse surmontant celle-ci, furent alors le nec plus ultra de l’art des desséchements.

Les premières tuiles pour le drainage furent faites à la main, mais on ne pouvait en rester là. En 1852, Irving inventa une machine qui moulait à la fois les tuiles creuses et les tuiles plates, pour en former un ensemble.

Le dernier et suprême perfectionnement apporté à l’art du drainage, fut la substitution des tuyaux cylindriques aux tuiles, et la confection mécanique de ces tuyaux.

En 1843, divers spécimens de tuyaux et les premières machines propres à les fabriquer, parurent, en Angleterre, à l’exposition agricole de Derby.

Pendant que l’industrie privée et le génie agricole perfectionnaient l’art du drainage, et créaient les instruments qui devaient le vulgariser en le rendant plus pratique, quel était le rôle du gouvernement anglais ? Il favorisait par tous les moyens en son pouvoir l’essor des agriculteurs. Il changeait l’hésitation du peuple en enthousiasme, et par sa puissante initiative, semait partout la confiance. Nous emprunterons les renseignements qui vont suivre à l’excellent ouvrage de M. Barral, Drainage des terres arables, véritable compendium de cet art[1].

Dès que Smith, de Deanston, eut élevé le drainage au rang de méthode, le gouvernement, par une loi votée en 1840, se mit à la disposition des propriétaires d’Angleterre et d’Irlande. Ceux-ci devaient payer d’avance les premiers frais des travaux préparatoires, tels que la levée des plans, et s’engager à rembourser le gouvernement au moyen d’annuités disposées de manière à amortir la dette dans l’espace de 12 à 18 ans au plus.

En 1842, le parlement d’Angleterre soumettait à une même législation les travaux d’assainissement, l’amélioration de la navigation et l’emploi des eaux comme force motrice, et les plaçait sous la surveillance de cinq commissaires, trois pour l’Irlande et deux pour l’Angleterre.

Ces mesures énergiques eurent les meilleurs résultats, et firent faire de grands progrès au drainage. Cependant le gouvernement ne tarda pas à s’engager davantage encore dans la même voie. En 1846, l’Irlande se trouvait menacée d’une famine, et en Angleterre même, la récolte des céréales était extrêmement incertaine. C’est dans ces conditions que sir Robert Peel obtint des deux chambres la célèbre réforme agricole, conçue en vue des intérêts populaires, qui donna un libre accès aux grains étrangers, en les soumettant cependant à un certain droit. En même temps, et pour relever la confiance des propriétaires et des fermiers, on aplanit pour eux le chemin des améliorations agricoles, en mettant à leur disposition, par un prêt d’argent, les sommes nécessaires à l’exécution des travaux de drainage. À cet effet, un crédit de 78 millions leur fut ouvert. Ce crédit se décomposait ainsi : 9 millions pour l’Angleterre, 41 millions pour l’Écosse, 25 millions pour l’Irlande. Tout propriétaire ou fermier put, sur sa simple demande, obtenir du gouvernement, à titre de prêt, les sommes nécessaires pour exécuter les opérations du drainage. L’État se réservait seulement de surveiller l’exécution des travaux, d’en estimer la qualité, et de n’accorder de crédit qu’aux opérations qui devaient donner au sol une amélioration durable.

Grâce à ces mesures, libérales autant qu’intelligentes, les fonds votés en 1846 étaient épuisés en 1849. Les demandes s’étaient élevées à plus de 100 millions de francs. Les agriculteurs déclaraient unanimement, que le drainage était un excellent moyen d’améliorer les terres ; qu’une terre drainée pro-

  1. 2e édition, 1856-1860, 4 volumes in-18.