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mesure — et pourquoi renouveler l’eau ? Parce qu’elle donne la vie ou la mort. La vie lorsqu’elle ne fait que traverser la couche de terre, car d’abord elle lui abandonne les principes fécondants qu’elle porte avec elle, ensuite elle rend solubles les aliments destinés à nourrir la plante ; la mort au contraire lorsqu’elle séjourne dans le pot, car elle ne tarde pas à se corrompre et à pourrir les racines, et puis elle empêche l’eau nouvelle d’y pénétrer. »

Bouchons le trou du pot à fleurs, et arrosons la plante : toute la terre sera bientôt saturée d’eau, et la pauvre plante, noyée, affamée, asphyxiée, dépérira. Rétablissons l’ouverture du pot de fleurs : il se fait immédiatement une circulation, un renouvellement d’air et d’eau, absolument nécessaire à la vie végétale, et la plante ne tarde pas à renaître. Une terre reposant sur un sous-sol imperméable, forme comme un immense pot à fleurs, dont le trou du fond serait bouché. Cette terre sera stérile : la drainer, c’est déboucher le trou, c’est lui rendre ce courant d’air et d’eau qui vivifie la végétation, et qui maintient le sol frais, mais non humide.

Après cette idée générale du principe du drainage, nous devons entrer dans l’examen détaillé des divers éléments dont se compose cette question. Nous allons donc étudier successivement : 1o le drainage chez les anciens, 2o l’invention du drainage moderne et son développement en Angleterre, en Belgique et en France ; 3o ses effets généraux et secondaires ; 4o la profondeur, l’écartement et la direction des drains ; 5o les moyens divers de construire les drains ; 6o la pente, la dimension et la longueur qui leur sont nécessaires ; 7o l’exécution pratique des travaux de drainage ; 8o la fabrication des tuyaux ; 9o les bénéfices que procure cette opération.


CHAPITRE PREMIER

aperçu historique. — columelle. — olivier de serres. — walter blight. — développement du drainage en angleterre. — travaux d’elkington, de smith et de john read. — intervention du gouvernement britannique. — avances au drainage faites par le parlement. — ses résultats. — introduction du drainage en france. — son développement. — lois de 1854 et de 1856.

L’art d’assainir les terres au moyen de rigoles propres à l’écoulement de l’eau, remonte à une époque reculée. Les Romains le connaissaient. Mais l’avaient-ils inventé ou le tenaient-ils de peuples plus anciens ? On l’ignore. Toujours est-il que l’emploi des fossés couverts ayant un fond empierré, ou formé de branchages, était connu des Romains. Columelle, le plus célèbre agronome de l’antiquité, qui vivait au temps d’Auguste et de Tibère, l’a décrit avec assez de précision.

« Si le sol est humide, dit Columelle, il faudra faire des fossés pour le dessécher et donner de l’écoulement aux eaux. Nous connaissons deux espèces de fossés : ceux qui sont cachés et ceux qui sont larges et ouverts… On fera pour les fossés cachés, des tranchées de trois pieds de profondeur que l’on remplira jusqu’à moitié de petites pierres ou de gravier pur et on recouvrira le tout avec la terre tirée du fossé. Si l’on n’a ni pierres ni gravier, on formera au moyen de branches liées ensemble des câbles auxquels on donnera la capacité et la grosseur du fond du canal et qu’on disposera de manière à remplir exactement ce vide. Lorsque les câbles seront bien enfoncés dans le fond du canal, on les recouvrira de feuilles de cyprès, de pin ou de tout autre arbre, qu’on comprimera fortement, après avoir couvert le tout avec la terre tirée du fossé ; aux deux extrémités, on posera, en forme de contre-fort, comme cela se pratique pour les petits ponts, deux grosses pierres qui en porteront une troisième, le tout pour consolider les bords du fossé et favoriser l’entrée et l’écoulement des eaux[1]. »

  1. « Si locus humidus erit, abundantia uliginis ante siccetur fossis. Earum duo genera cognovimus, cœcarum et patentium. Opertæ rursus obcœcari debebunt sulcis in altitudinem tripedaneam depressis, qui, cum parte dimidia lapides minutos vel nudam glaream receperint, operientur superjecta terra quæ fuerat effossa. Vel si nec lapis erit vel glarea, sarmentis connexus velut funis informabitur in eam crassitudinem, quaro solum fossæ possit angustæ, quasi accommodatam coarctatamque, capere. (Col., lib. II, cap. ii.)