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décompose, le mercure se dissout à la place de l’or, qui se dépose sur l’argent. Les parties claires de l’épreuve, qui présentaient une teinte bleuâtre, deviennent d’un blanc éclatant, tandis que les parties sombres se renforcent. C’est ainsi que le dessin s’avive, prend le ton et la vigueur qui lui manquaient »

Fig. 18. — Pied à chlorurer.

On saisit alors la plaque chaude avec une pince ; on rejette le sel d’or qui la couvre, et on la fait tremper dans de l’eau distillée. On la lave ensuite sous un robinet d’eau claire. On finit ce lavage par de l’eau distillée ; enfin on sèche la plaque à la flamme d’une lampe à alcool.

L’épreuve est alors terminée : elle est inaltérable à la lumière, et résiste à un certain frottement. On peut l’encadrer.

Telle est, avec les modifications qu’elle reçut peu de temps après sa divulgation dans le public, la méthode qui reçut, à juste titre, le nom de daguerréotypie.

Nous devons ajouter quelques mots, en terminant ce chapitre, sur l’auteur de cette invention admirable.

Daguerre se tenait un peu à l’écart des progrès que nous venons de rappeler. Il s’était retiré dans une maison de campagne, à Bry-sur-Marne, recevant, par intervalles, la visite de quelques savants, désireux de connaître l’auteur d’une découverte qui avait fait si rapidement le tour du monde. Son Diorama avait été consumé par un incendie en 1839, quelques mois avant la communication faite par Arago à l’Académie des sciences. Dès lors il s’était consacré tout entier à l’art nouveau qu’il venait de créer.

Il aurait pu réaliser une grande fortune, en attachant son nom à quelque établissement photographique ; mais il avait refusé toute exploitation de ce genre. La vente de son brevet en Angleterre, et la pension qu’il recevait du gouvernement, lui donnaient une honnête aisance, dont il jouissait avec le calme d’un sage. Il composa, pour l’église du village où il s’était retiré, un tableau à grand effet, comme son pinceau savait les rendre, et qui donnait à la petite église la profondeur et la physionomie d’une cathédrale. Ce peintre de théâtre avait voulu, pour son dernier ouvrage, peindre une église de hameau[1].

Daguerre est mort à Bry-sur-Marne, le 10 juillet 1851, au moment où la photographie, abandonnant la voie qu’il lui avait tracée, allait s’élancer vers des horizons nouveaux. Sa mort passa assez inaperçue en France. Seulement la Société des beaux-arts fit décider l’érection d’un monument à sa mémoire.

Ce mausolée modeste fut inauguré le 4 novembre 1852, dans le petit cimetière de

  1. M. Dumas, dans un Discours sur l’invention, lu devant la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, a rendu pleine justice à Daguerre, qu’il avait connu, parce qu’il lui avait donné accès dans son laboratoire de la rue Cuvier. M. Dumas loue Daguerre de ne pas s’être contenté de produits imparfaits, d’une solution du problème par à peu près, mais de s’être appliqué pendant quinze ans à perfectionner ses procédés, jusqu’au moment où il put obtenir des épreuves irréprochables au point de vue de l’art. M. Dumas peint avec énergie les angoisses et les inquiétudes de tout genre qui tourmentèrent Daguerre à cette époque de sa vie : il le compare à un alchimiste du moyen âge. Il raconte même que vers 1824, il fut consulté confidentiellement par un membre de la famille de Daguerre, qui s’était émue de ses allures étranges, et qui craignait que sa raison fût menacée. (Bulletin de la Société d’encouragement, 1864, p. 198-199.)