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des boulets pleins de 68 kilogrammes (136 livres) dont l’empreinte se trouva plus profonde, mais qui n’eut aucunement la vertu de transpercer le métal.

Le résultat de ces essais fit réfléchir l’amirauté anglaise. Puisque la construction d’une frégate cuirassée capable de tenir la haute mer, n’était pas, comme l’avait proclamé John Bull, un rêve, une chimère, n’y avait-il pas un véritable danger, pour la marine de la Grande-Bretagne, à continuer de construire en bois ses vaisseaux de guerre ? Des plans furent aussitôt demandés, et discutés ensuite par les lords de l’amirauté. L’examen et la discussion furent très-contradictoires. Il fut impossible de s’entendre, et cette période de tâtonnements et de recherches inquiètes, se prolongea longtemps.

L’Angleterre, il faut le reconnaître, a depuis travaillé laborieusement et avec gloire à l’édification de sa flotte cuirassée. Mais il est facile de suivre dans son œuvre la trace de beaucoup d’hésitations, de fluctuations, d’idées mal arrêtées, parfois même opposées les unes aux autres. De là les éléments si multiples, disparates même, qui composent la flotte anglaise actuelle. On ne saurait réduire à moins de douze les types caractérisés de cette flotte. Nous allons donner un rapide historique de leur création, en nous efforçant d’introduire dans cet exposé quelque clarté et quelque méthode, ce qui n’est pas sans présenter des difficultés, en raison de l’incohérence et de la multiplicité des types qu’il faut considérer.


CHAPITRE VII

la marine cuirassée anglaise. — le warrior et le black-prince. — comparaison de la gloire et du warrior. — construction de la defence et de la resistance. — construction de l’hector, du valiant, de l’achilles, du minotaur, de l’agincourt et du northumberland. — transformation de plusieurs vaisseaux de guerre en bois en vaisseaux cuirassés.

En 1859, au moment où la Gloire allait être mise à l’eau, le premier lord de l’amirauté, John Packington, fit décider la construction d’une frégate cuirassée, qui reçut le nom de Warrior, et que l’on voulait opposer à la nouvelle frégate française, dont l’apparition imprévue et subite avait blessé au plus haut degré l’amour-propre de tous les marins, et même de tous les citoyens de la jalouse Albion. La Gloire donnait, en ce moment, la fièvre à tous les hommes importants de la Grande-Bretagne. On voulait donc créer, en Angleterre, l’équivalent de la Gloire, et même, s’il était possible, quelque chose de plus terrible encore.

La nouvelle frégate française était le résultat d’observations et de travaux longs et patients, l’application de données théoriques et pratiques certaines. Comme l’étude, et non la passion, avait présidé à sa construction, le succès avait couronné une entreprise conçue avec réflexion et maturité. Se croyant offensés dans leur orgueil national et dans leur fierté de marins, pour s’être cette fois encore laissé devancer par nous dans la voie du progrès naval, les Anglais voulurent produire quelque chose de plus redoutable et de plus puissant que la frégate française.

Nous allons examiner s’ils y ont réussi.

Les premiers bâtiments cuirassés anglais semblent résulter d’un compromis, d’une fusion entre les partisans de la cuirasse et ceux qui la regardaient alors comme fatale aux qualités nautiques d’un bâtiment. En effet, la cuirasse du Warrior ne couvre que la partie centrale des flancs, comme si l’on avait