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faire dans la visite, toute courtoise, que l’escadre anglaise vint faire à la nôtre, à Cherbourg, en 1865, et dans celle que l’escadre française lui rendit bientôt après, à Portsmouth.

Les deux flottes cuirassées, française et anglaise, offrent des différences profondes. Mais ce qui distingue la flotte française, c’est que tous ses navires sont conçus avec une grande unité de vues, et qu’ils possèdent tous des vitesses supérieures. Ce qui les caractérise surtout, c’est qu’étudiés de manière à garder, pour une puissance militaire donnée, les plus petites dimensions possibles, ils ont une facilité d’évolution sans égale. Pour caractériser notre flotte blindée, nous ne pouvons mieux faire que de citer les paroles prononcées, en 1866, par l’amiral comte Bouet-Willaumez, dans une séance du Sénat, restée justement célèbre :

« Ce que je puis affirmer, c’est que pour la flotte française, telle qu’elle est constituée, s’il en est qui régalent, il n’en est pas de meilleure quant à l’homogénéité de la vitesse et aux évolutions gyratoires. Or, ajouta l’amiral, le sort des batailles dépend de la rapidité de ces évolutions. »

Nos types de la dernière création, le Marengo et l’Alma, confirment hautement l’autorité de ces paroles.

Une différence bien saisissante, quant au système général de construction, existe entre les deux flottes cuirassées française et anglaise. La plupart des navires cuirassés de la flotte française sont en bois : c’est le système de construction auquel M. Dupuy de Lôme a donné la préférence, se réservant de bâtir en fer, comme nous l’avons dit pour ses derniers types, les parties non cuirassées des œuvres mortes, qui doivent être évacuées en cas de combat, et qu’il importe de mettre à l’abri de l’incendie. En Angleterre, au contraire, ainsi que nous allons le voir, les coques des navires cuirassés, pour la plupart, sont en fer. Nos voisins n’ont construit en bois que quelques navires de récente création. Examinons la valeur comparative de ces deux systèmes de construction.

Les partisans des coques en fer font valoir que ce système de construction l’emporte, en durée et en solidité, sur les constructions en bois. Ces avantages incontestables, et dont on apprécie toute la valeur pour la navigation ordinaire, n’ont pas paru, dans l’esprit du constructeur français, compenser les inconvénients que les carènes en fer offrent dans le cas tout spécial du navire cuirassé.

Voici ces inconvénients. D’une part, les carènes en fer offrent plus de résistance à la marche que les coques en bois revêtues d’un doublage en cuivre. Ce fait, bien connu, fut mis en parfaite évidence par les expériences comparatives que l’on exécuta à Cherbourg, entre la Flandre, qui est construite en bois, et l’Héroïne, dont la coque est en fer. Le résultat se traduit, pour le navire de fer, par une perte de vitesse, ou la nécessité d’employer des appareils moteurs plus pesants, conséquences fatales dont on comprendra toute l’importance, si l’on songe combien est grand le rôle que joue la vitesse dans la tactique navale, et combien il importe de diminuer le poids du navire, pour augmenter l’approvisionnement en combustible et en munitions, ou pour donner une épaisseur plus grande à la cuirasse.

La résistance à la marche d’un navire en fer, mérite d’autant plus l’attention, que ce navire s’alourdit par suite des énormes dépôts terreux et organiques qui viennent recouvrir sa coque après quelques mois seulement de séjour à la mer. De là résulte l’obligation de soumettre la coque encroûtée du navire à des travaux de nettoyage et de peinture, qui ne peuvent s’effectuer que dans les bassins de radoub, lesquels ne sont pas toujours disponibles au moment voulu, ce qui peut, à un moment donné, empêcher le navire d’être prêt pour le service de la guerre.

L’emploi d’un doublage en cuivre à côté